Vincent Munyeshyaka : “Le succès du Rwanda tient à notre leadership”

ENTRETIEN. Optimiste, le ministre rwandais du Commerce et de l’Industrie livre son analyse sur les bons résultats économiques de son pays.
PROPOS RECUEILLIS PAR  (AVEC ANA)

Vingt-trois ans, c’est le nombre d’années qu’il aura fallu au Rwanda pour devenir un haut lieu du business après la tragédie de 1994. Quelques chiffres pour étayer le propos : Kigali a engrangé, entre 2001 et 2015, un taux moyen de croissance du PIB réel d’environ 8 % par an. Le Rwanda est également parvenu à réduire rapidement la pauvreté et à atténuer les inégalités. Le pays de Paul Kagame a mené pas moins de cinq réformes majeures pour améliorer son climat des affaires selon le dernier classement Doing Business de la Banque mondiale. Une bonne nouvelle pour le gouvernement, qui veut encore plus impliquer le secteur privé comme un acteur moteur de la croissance économique. Le ministre du Commerce et de l’Industrie, Vincent Munyeshyaka, s’est confié au Point Afrique sur les recettes qui font le succès du Rwanda, mais aussi sur sa vision des prochains défis que le « pays des mille collines » doit affronter.

Le Point Afrique : le Rwanda affiche l’un des plus forts taux de croissance en Afrique. Quelle est la clé de ce développement ?

Vincent Munyeshyaka : le succès que nous connaissons vient de l’orientation du leadership de ce pays. À partir de 2000, nous avons réussi à mettre en place et à créer une programmation visionnaire, Kenya 2020. Une stratégie qui vise à assurer une croissance économique, mais aussi à réduire la pauvreté de notre population en nous assurant que la richesse créée par notre économie soit également bien répartie parmi notre population. Ainsi, si nous essayons de regarder notre développement au cours des quinze dernières années, notre économie a augmenté de 8 % par an en moyenne. En même temps, nous avons vu la réduction de la pauvreté. Nous avons par ailleurs réussi à mettre en place une politique de protection sociale. Avec une couverture d’assurance santé pour toute notre population. Nous avons atteint plus de 90 % de la population à ce jour. Un succès qui tient à notre leadership. Il s’agit d’avoir une vision claire et de bien organiser le mécanisme de suivi et d’évaluation. Parce que les plans sont une chose, mais la mise en œuvre en est une autre. Nous avons donc pu mettre en place ce cadre pour nous assurer de l’application de cette vision, avec un mécanisme de responsabilisation. Par exemple, quand le gouvernement central annonce des infrastructures, le gouvernement local s’engage également à le faire, avec l’ensemble de l’administration, jusqu’à la population. C’est une culture qui a été parfaitement intégrée par notre population. Nous avons des « contrats de performance » pour les membres des gouvernements, y compris des gouverneurs locaux, mais aussi au sein des familles où les membres s’engagent, par exemple, à emmener ses enfants à l’école. Cette culture est le socle de notre développement.

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Je ne sais pas ce qu’est un modèle… Mais ce que je peux reconnaître, c’est que nous avons créé un cadre juridique visant à résoudre les problèmes d’accès aux financements, les enjeux liés aux compétences, les enjeux liés à l’accès aux marchés. C’est pourquoi nous avons accordé une attention particulière au secteur des PME. En effet, 98 % de nos activités proviennent des PME et, en termes de création d’emplois, 41 % des emplois créés dans le secteur privé proviennent du secteur des PME. C’est un secteur très important pour notre économie.

Sur l’éducation, précisément, quel modèle voulez-vous mettre en place ?

C’est extrêmement important parce que nous voulons transformer notre population. Nous investissons donc dans le capital humain. Quand je dis capital humain, je veux dire que nous orientons nos stratégies éducatives vers la connaissance. Pour que ce soit plus concret, nous misons énormément sur la science, les technologies. Nos enfants sont même sensibilisés à l’éducation scientifique dès le plus jeune âge.

 ©  Minaloc Rwanda
Vincent Munyeshyaka, ministre du Commerce et de l’Industrie du Rwanda. © Minaloc Rwanda

Vous avez parlé de la coordination comme d’une notion déterminante dans les rapports avec le gouvernement, le secteur privé, les institutions financières…

Oui, nous avons réussi à avoir des mécanismes de coordination au niveau central mais aussi au niveau des gouvernements locaux. Nous avons, par exemple, ce que nous appelons un « forum de développement d’actions conjointes ». Il réunit toutes les PME, toutes les institutions financières, les autorités gouvernementales au niveau des districts. Nous avons une structure gouvernementale très décentralisée. Le gouvernement central est composé de ministères et d’agences chargés de la mise en œuvre des politiques gouvernementales, mais nous avons aussi des gouvernements locaux autour des districts. Nous avons des mécanismes de coordination qui travaillent à la fois au niveau central et au niveau des gouvernements locaux et qui aboutissent à des résultats. Bien sûr, nous avons pour défi de poursuivre nos efforts pour atteindre un plus haut niveau de coordination.

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L’économie rwandaise est-elle assez compétitive ?

En fait, cette compétitivité est visible à travers les potentiels d’investissements dont va bénéficier notre pays. Nous connaissons d’énormes transformations économiques. Parmi les moteurs de cette croissance économique figurent l’agriculture et l’industrie, ce qui signifie que nous devons aller plus loin pour améliorer les résultats dans ces deux secteurs. Mais le secteur industriel est en quelque sorte lié au secteur agricole parce que la plupart des industries opèrent réellement dans l’agro-transformation, la valeur ajoutée de la production agricole. Le secteur industriel doit monter en gamme puisqu’il contribue à 70 % de notre PIB. Et, en tant que ministre du Commerce et de l’Industrie, je suis ici pour faire entrer toujours plus d’innovations dans le secteur, parce qu’il ne joue pas son rôle de moteur de l’économie. Je n’ai jamais vu un pays développé sans un secteur industriel très fort. Donc, pour nous, l’idée est de concentrer davantage d’efforts pour apporter l’innovation, car, avec la bonne technologie, vous pouvez maximiser la valeur ajoutée.