Une ville chic dans laquelle les fleurs cachent les chiques

J’attendais des bonnes nouvelles du pays, j’attendais des récits rassurants venant de nos collines et de nos villes, j’attendais quelque chose de vraiment rwandais, c’est-à-dire de beau, j’attendais un fier témoignage, je n’ai eu droit qu’à la confirmation de ce que tous vous savez déjà. Mon pays va mal. J’attendais quelque chose sur laquelle m’accrocher pour ne pas désespérer, une dame est venue me rappeler que le chemin de la liberté est encore très très long. Avec un calme olympien et une assurance de mère, Uwizeye Kansiime Immaculée a prêché la lutte. Avec une détermination impressionnante, la secrétaire-général du parti PS Imberakuri a exhorté ses compatriotes à plus d’abnégation et d’unité face au régime du Fpr. Le même qui maintient 11 millions de Rwandais sous une dictature implacable.
L’unité. Elle a tellement insisté sur ce point car le camp d’en face se délecte de la désunion de ses opposants politiques. Les séides du dictateur savent qu’ils auront des beaux jours devant eux aussi longtemps qu’un certain désordre régnera dans les rangs de leurs adversaires. Bon sens et Histoire prouvent, hier comme aujourd’hui, que les tyrannies (même les plus barbares) finissent toujours par s’écrouler face à la détermination d’un peuple uni. Ben Ali a dégagé, Moubarak a cédé, Saddam Hussein a été déboulonné, Nicolae Ceucescu et Mouammar Kaddafi tués, etc. Tout cela parce que le peuple en a eu un jour marre de leur tyrannie et, sans disperser ses efforts au sein des partis champignonesques, s’est levé comme un seul homme. La suite, nous la connaissons tous. Ce qui a donc marché sous d’autres cieux devrait logiquement l’être aussi en Afandie, cette créature au pays de nos ancêtres qu’a pris en otage le général Kagame.
Les querelles des opposants de la diaspora n’encouragent donc pas les paysans à se rebeller contre un pouvoir qui continue à les endormir par la publicité faite autour de ses villes propres et fleuries. Des villes chic à l’instar de Kigali la capitale où pourtant la propreté cache les chiques des paysans qui voient leur santé se détériorer jour après jour, dixit Immaculée Kansiime. Pas de classe moyenne! Que des parvenus richards et un peuple paupérisé. Des villes dont les citoyens sont battus plus que ne le sont les tambours dans les cultes protestants. Dont les opposants sont enfermés comme si c’était là le passe-temps favori de la police. Des villes dans lesquelles on distribue l’étiquette Interahamwe à toute voix dissonante par rapport au credo du régime. Celle de cette dame par exemple. Cette « tutsi interahamwe du PS » (terminologie de la dictature) suit admirablement les traces de Victoire Ingabire en dominant ses peurs et en croyant en l’avenir de son pays.
Malgré l’embastillement du trio Mushayidi-Ingabire-Ntaganda, le courage prend donc racine petit à petit et si une suite appropriée est donnée au message porté par madame Kansiime, la prophétie du représentant diplomatique de Kagame à Bruxelles ne pourra se réaliser. Ce dernier, en guise de voeux pour l’année 2013, annonçait des coups durs au sein des formations politiques opposées à la dictature de son patron. Rukokoma qui annonce son rapatriement prochain, Karangwa Semushi du PDP qui veut se rapprocher physiquement de son président, Thomas Nahimana qui table sur 22 mois pour éjecter ce qu’il nomme « le groupuscule Ssajya », les techniciens ne pouvaient que prévoir de mettre le paquet… Ce à quoi bien sûr est préparée la responsable du PS Imberakuri. « Si, par mésaventure, ils m’emprisonnent, libérez-moi comme vous le ferez pour tant d’autres; si par contre ils me tuent, poursuivez la lutte jusqu’à la démocratisation effective et totale de notre beau pays ». Parole de héroïne.
Qu’il le veuille ou non, le pouvoir de Kagame risque de vivre en cette année les moments cruciaux de sa survie. Birabe ibyuya…
Cecil Kami
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