Par Mbonyumutwa Ruhumuza
Au moins 13 femmes auraient été violées en plein Kigali par des militaires de l’armée rwandaise au cours des deux dernières semaines en plein confinement. Leurs maris molestés et les biens de plusieurs habitants pillés par les forces de sécurité. Les victimes ont toutes un point en commun : ce sont des habitants de « Bannyahe » le quartier pauvre de Kigali. Quelques heures à peine après que l’information ait été médiatisée, l’armée rwandaise a annoncé l’arrestation de 3 des militaires impliqués qui seront jugés publiquement.
Alors que les observateurs applaudissent l’action de l’armée, semblant dès lors sur le point de conclure l’affaire (dans la mesure où les auteurs seraient en voie d’être poursuivis), les habitants de Bannyahe ne croient pas en cette version de « brebis isolées » , certains croyant plutôt à une stratégie du chaos, mise en place délibérément par l’Etat pour les chasser de leurs habitations.
Pour comprendre l’origine de ce débat , il faut remonter à 2017 lorsque les autorités rwandaises ont affiché leur volonté de « reloger » les habitants de quartier pauvre de Kigali. Très rapidement les divergences sur les raisons ont commencé. Pour les autorités l’action visait à sauver la vie des habitants (qui parfois y habitent légalement depuis les années 80) car ils seraient dans « des zones à risque » et leurs maisons pourraient être détruites en cas d’intempéries. Pour certains la mesure visait plutôt à chasser les pauvres de la ville de Kigali. Mais peu importe, les habitants ont accepté de partir moyennant une compensation à la hauteur de la valeur de leurs biens immobiliers. Bien que les maisons soient souvent modestes , la localisation stratégique du quartier en plein Kigali fait que les terrains peuvent parfois valoir jusqu’à plusieurs milliers d’euros.
De 2017 à 2019 les négociations ont commencé sans aboutir à un accord et en décembre 2019, les autorités ont décidé de passer en force et ont été détruire ou forcer les habitants à détruire eux mêmes leurs habitations moyennant une compensation de 30 euros pour les locataires et 90 euros pour les propriétaires. Plusieurs milliers de familles ont été concernées.
La plupart d’entre elles ont été relogées par les autorités (dans des logements qui leur étaient imposées) mais d’autres sont restées à la rue. C’est la qu’un flot d’images de familles entières dormant à la belle étoile sur les décombres de leurs propres maisons ont circulé suscitant l’émotion.
Face au tollé, les autorités ont arrêté les destructions pour laisser l’émotion se calmer et l’affaire se tasser. Et mi-mars 2020, alors que plus personne ne parlait du problème alors que des familles étaient toujours sans solutions, une nouvelle vague de destruction a commencé.
Alors que l’attention mondiale était focalisée sur le coronavirus des images ont à nouveau circulé de citoyens voyant leurs maisons détruites et évoquant un terrorisme d’Etat. Bien que certains de ceux qui avaient témoigné aient été emprisonnés , les habitants n’avaient plus peur de dénoncer ce qui leur arrivait , une femme allant jusqu’à déclarer à visage découvert « qu’ils amènent des armes et nous abattent , de toute façon ils nous ont déjà « tué ». Face à la nouvelle vague d’émotion, les destructions ont semblé cessé.
Mais dans la foulée de cette deuxième vague de destruction et loin des projecteurs, des militaires de l’armée rwandaise ont commencé à envahir le quartier violant des femmes, tabassant leurs maris ou pillant leurs biens. Une victime témoignage qu’elle dormait avec son mari lorsque des militaires sont arrivés. Ils ont emmené son mari à l’extérieur , l’ont attaché par les jambes et l’ont battu pendant qu’à l’intérieur , un des militaires la violait. D’autres femmes faisant des témoignages similaires.
Les habitants expliquent qu’ils n’avaient personne à qui se confier « à qui peux tu demander de l’aide lorsque ce sont les organes chargés de la sécurité qui font ça ? » répond une femme à un journaliste.
Même la presse notamment radio rwanda et télévision rwanda , sont venues sur place mais n’ont jamais voulu couvrir les faits , certains allant même jusqu’à se moquer d’eux. Même porter plainte leur était impossible , les habitants donnant l’exemple d’une femme enceinte qui a perdu son bébé après avoir été battue par un chargé de sécurité et qui n’a essuyé que moqueries « ce n’est pas ta fausse couche qui va nous impressionner, ce n’est pas nous qui t’avons mis enceinte» de verre t’elle rétorquer.
La police nationale, contactée par un journaliste a d’abord nié les faits ,la porte parole déclarant que c’était « des rumeurs propagées par des ennemis de l’état » demandant même à prendre leurs numéros pour les identifier.
Mais face au flux de témoignages concordants qui commençaient à circuler sur les réseaux sociaux, il devenait difficile d’étouffer l’affaire et seulement quelques heures après que les témoignages aient commencé à être diffusés , l’armée rwandaise a annoncé l’arrestation de 3 des militaires impliqués qui seront publiquement jugés.
Alors que les observateurs applaudissent l’action rapide de l’armée , les habitants de Bannyahe ne croient pas en cette théorie de « brebis égarées » un habitant expliquant ne pas comprendre comment dans un pays aussi petit que le Rwanda, dans la capitale Kigali, des horreurs pareilles aient pu se produire au vu et au su de tout le monde sans que les auteurs ne soient arrêtés et pense qu’ils avaient des protections venant de plus haut.
Pour lui, la stratégie en place serait une stratégie du chaos visant à semer la terreur au sein de la population afin que la prochaine fois que les autorités viennent détruire les maisons et chasser les habitants , ces derniers n’opposent aucune résistance.
Selon vous est ce un fait divers commis par des militaires isolés et qui seront jugés pour leurs actes ou est au contraire ces actes s’inscrivent dans la campagne entamée en 2017 et visant à vider Bannyahe de ses habitants?
Vous pouvez cliquer ici pour les reportages complets: