Il y a vingt ans, en juin 2000, la ville de Kisangani, dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC) était le théâtre d’affrontements meurtriers entre les armées rwandaise et ougandaise, qui ont fait des centaines de morts pour le contrôle des richesses minières de cette région. Ces deux armées d’occupation avaient envahi l’est de la RDC durant la « deuxième guerre du Congo » (1998-2003) avec l’appui de mouvements rebelles locaux. Elles se sont violemment battues pour le contrôle de Kisangani et des ressources naturelles (l’or et les diamants) des environs.
« Du 5 au 10 juin 2000, l’APR (Armée patriotique rwandaise) et l’UPDF (Uganda People’s Defence Force) se sont affrontés à Kisangani. Les deux camps se sont livrés à des attaques indiscriminées à l’arme lourde, tuant entre 244 et 760 civils selon certaines sources, en blessant plus de 1.000 et provoquant le déplacement de milliers de personnes », indique le rapport Mapping publié en 2010 par l’ONU et recensant les nombreuses violations des droits de l’homme commises entre 1993 et 2003 en RDC et restés impunis.
« Les deux armées (rwandaise et ougandaise) ont également détruit plus de 400 résidences privées et gravement endommagé des biens publics et commerciaux, des lieux de culte, dont la cathédrale catholique Notre-Dame, des établissements consacrés à l’éducation et des établissements sanitaires, dont des hôpitaux », ajoute ce rapport onusien quelque peu tombé dans l’oubli à propos de cette « guerre des six jours ».
Une ONG congolaise de défense des droits de l’homme, le groupe Justice et Libération, estime pour sa part que ces combats à l’armée lourde – le chiffre de plus de 6.600 obus tirés sur la ville est souvent cité – causèrent environ un millier de morts et au moins 3.000 blessés, dont une majorité de civils.
Pourtant censées être alliées contre le président Laurent-Désiré Kabila, les forces de Kigali et de Kampala s’étaient battues pour le contrôle de Kisangani (l’ex-Stanleyville durant la colonisation belge), ville stratégique du nord-est de la RDC et chef-lieu à l’époque de la Province orientale (aujourd’hui de la Tshopo).
Après six jours de combats, l’APR avait chassé les troupes ougandaises de la troisième ville de la RDC, située à des centaines de kilomètres de leur frontière respective.
Kisangani avait déjà subi des affrontements entre les deux armées en août 1999 et le 5 mai 2000. Mais les affrontements de juin 2000 furent les plus meurtriers.
Vingt ans plus tard, le gynécologue congolais Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018, a invité les autorités de la RDC « à soutenir l’édification de mémoriaux sur les fosses communes de nos sœurs et de nos frères frappés par la barbarie humaine ».
« Après des décennies de déni, le temps est venu de mettre en place des mécanismes d’établissement de la vérité et de la justice pour une réconciliation, une paix réelle et durable », a-t-il ajouté dans un communiqué publié mercredi soir.
Le Dr Mukwege a une nouvelle fois plaidé pour l’établissement d’un tribunal international pénal pour la RDC et/ou de chambres spécialisées mixtes et la mise en place des réformes profondes des secteurs de la sécurité et de la justice.
« Nous exhortons les autorités congolaises à poursuivre les négociations avec l’Ouganda pour trouver les modalités de mise en œuvre de l’arrêt rendu en 2005 par la Cour internationale de Justice condamnant l’Etat ougandais à réparer le préjudice causé sur le territoire congolais et à entamer un dialogue sincère avec le Rwanda en vue de renforcer la coopération judiciaire pour faciliter l’administration de la justice pour les crimes à dimension régionale.
Que pensez-vous de cet article?