PSG-Rwanda : un partenariat très diplomatique

Par Yves Leroy

Le contrat de sponsoring entre le Rwanda et le PSG, particulièrement mis en lumière par le club, associe des intérêts économiques et politiques, inscrits dans son socle dès sa conclusion.

La séquence en noir et blanc, sur fond de musique douce, est solennelle, comme il se doit pour commémorer un génocide qui a fait 800 000 morts en trois mois, en 1994. Tour à tour, Idrissa Gueye, Pablo Sarabia, Kylian Mbappé, Leandro Paredes, Eric Choupo-Moting, Ander Herrera et Thomas Meunier s’expriment en anglais à l’adresse du peuple rwandais : « Nous sommes solidaires avec vous pour commémorer le génocide contre les Tutsis. […] Vous avez fait preuve d’unité, de résilience et d’une transformation exemplaire dont le monde peut apprendre et tirer profit. […] Nous soutenons les progrès que le Rwanda opère. […] Souvenir, unité, renouveau. »

Ce message s’inscrit dans le cadre du partenariat officialisé le 4 décembre 2019 entre le PSG et le pays aux mille collines. Mais, en toile de fond, il met aussi en lumière les liens entre le Qatar, propriétaire du PSG, et l’État africain dirigé par Paul Kagame depuis le génocide.

En dialectique de marketing, le message posté par le club le 29 mai est une « activation », une manière de valoriser un contrat de sponsoring. Cette activation est la première à revêtir des connotations politiques, même si le communiqué d’officialisation évoquait déjà « la remarquable transformation » du Rwanda.

Le pays est aujourd’hui pacifié, notamment grâce à la suppression de la notion d’ethnies, mais sa « transformation exemplaire » prête à débat sur d’autres aspects. L’avocate Grâce Favrel, spécialiste du droit international et des droits de l’homme, qui a participé à la justice transitionnelle chargée de solder les heures noires du pays, dépeint la situation : « En 1994, le Rwanda était un pays à genou, avec beaucoup de personnes tuées, en prison ou impliquées dans le génocide.

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C’est pour ça que Paul Kagame a une image de héros. Aujourd’hui, le Rwanda est un modèle économique sur le continent africain. Mais du point de vue politique et démocratique, il n’y a pas eu énormément de progrès. Des opposants et des journalistes ont été tués et la presse n’est pas indépendante, selon des rapports d’ONG. Le président est très puissant et les oppositions sont dans l’incapacité totale de s’exprimer. »

Le premier volet de ce panorama est au cœur de la promotion actuelle. « Ce partenariat rentre dans la volonté de donner une image positive du pays sur la scène internationale, poursuit Grâce Favrel. Le Rwanda héberge beaucoup de conférences internationales. Une ancienne ministre, Louise Mushikiwabo, est aussi devenue présidente de la francophonie. »

Projet d’ouverture d’au moins une PSG Academy

Le Rwanda Development Board, qui a signé le partenariat avec le PSG, après une longue réflexion, a refusé de répondre à nos questions. Le communiqué de lancement mettait en avant les atouts économiques (une croissance supérieure à 8 %), la sécurité et le tourisme.

Des points sur lesquels le PSG se focalise. « Notre partenariat est avant tout culturel et économique, il ne comporte absolument aucune dimension politique, assure un dirigeant. En fait, il faut faire le voyage pour comprendre ce qu’est le Rwanda aujourd’hui. La première visite, qui est un passage obligé, est celle du musée du génocide. Cela permet de comprendre d’où le pays revient. La capacité de résilience et le dynamisme de la population sont extraordinaires.

Il y a beaucoup de choses positives qui peuvent nous servir d’exemple. Quand on va sur place, on est bluffé par exemple par le nombre d’initiatives qui s’adressent à la jeunesse, par l’engouement pour les nouvelles technologies et le soutien apporté par la communauté nationale aux jeunes entreprises. La prise en compte de l’environnement est exemplaire : le plastique est banni au Rwanda depuis 2008 ! De la même manière, il n’y a pas un papier par terre, ni dans les rues, ni dans les champs. »

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Depuis quelques années, le PSG fait valoir à ses partenaires sa capacité à valoriser leur image au-delà d’un simple affichage. Pour le Rwanda, celui-ci s’effectue sur les maillots d’entraînement, d’échauffement et sur les panneaux du stade. Mais les deux parties se démultiplient pour valoriser un contrat estimé à un peu moins de 10 millions d’euros par an : dégustations de café et rencontre entre producteurs et acheteurs dans les salons du Parc des Princes, visite de Youri Djorkaeff sur la trace des gorilles du pays avec une journaliste d’un quotidien national invitée dans les bagages, projet d’ouverture d’au moins une PSG Academy, projet de rencontres entre designers et artistes rwandais et français…

La stratégie de changement d’image mise en œuvre par le Rwanda ressemble finalement par de nombreux aspects à celle mise en place par le Qatar en termes de soft power. Ce qui peut s’expliquer par les liens que sont en train de tisser les deux pays. « Avec Paul Kagame, le Qatar semble avoir enfin trouvé son interlocuteur privilégié en Afrique, expliquait le 13 décembre dans Le Monde Benjamin Augé, chercheur à l’Institut français des relations internationales. Le président rwandais fascine à Doha. Par son intermédiaire, l’émirat estime pouvoir gagner en influence en Afrique, où il demeure relativement méconnu. »

Déjà un contrat avec Arsenal

Cinq jours après l’annonce du deal PSG-Rwanda, l’émir Tamim Al-Thani était à Kigali pour rencontrer son homologue et annoncer la prise de participation à hauteur de 60 % dans la construction, la propriété et l’exploitation du futur aéroport international évalué à 1,2 milliard d’euros.

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Malgré cette concomitance, le PSG assure que ce partenariat a été monté par ses cellules sponsoring, communication et merchandising. « Nos équipes regardent ce qui se fait de plus novateur et elles se sont ainsi rapprochées du Rwanda Development Board qui avait passé un contrat un an plus tôt avec Arsenal », souligne un dirigeant.

Sans établir de lien formel avec les contrats signés entre le Rwanda et le Qatar, une source proche insiste sur la concordance de plusieurs facteurs qui ne peuvent être dissociés : « Un tel accord passe forcément par Doha. Le Qatar a été fortement porteur dans ce dossier. Le Rwanda cherchait de l’exposition et avait déjà signé un partenariat avec Arsenal, dont Paul Kagame est supporter. Le pays s’adresse à des clients et des visiteurs haut de gamme et le PSG correspondait bien à cela. Le Qatar et le Rwanda parlaient de beaucoup de sujets à ce moment. Il est assez naturel que le PSG soit venu dans la discussion. »