Par Patrick Mbeko
Quand on lit les extraits de la lettre que Joseph Kabila a adressée à certains chefs d’État africains et dont Jeune Afrique a dévoilé le contenu, on a, à première vue, l’impression que la situation politique actuelle échappe à l’homme de Kingakati. D’ailleurs, un proche de Félix, tout joyeux, m’a envoyé le lien de l’article en disant : « Nayebisaki yo que Fatshi ako surprendre bino… » Peut-être.
Mais seulement voilà : quand on lit l’article de JA entre les lignes, on s’aperçoit plutôt que Joseph Kabila est non seulement au contrôle de la situation (du moins pour le moment), mais il semble même avoir pris une certaine avance sur son «partenaire-adversaire».
Tenez. Il a envoyé la lettre aux chefs d’État des pays de la SADC et au secrétaire général de l’ONU dès le 22 octobre 2020, soit un jour avant le discours de Félix Tshisekedi à la nation. Ce qui laisse penser que Joseph avait déjà anticipé la situation et avait décidé de prendre les devants. Pour rappel, c’est seulement la semaine dernière que Félix a envoyé une délégation auprès des dirigeants susmentionnés. Deuxio : contrairement à ce que pensent certains Tshisekedistes, la missive de Joseph est loin d’être une «lettre de lamentation», mais plutôt une mise en garde.
Comme je l’ai souligné dans un post précédent, Joseph Kabila applique ce que j’ai appelé « la stratégie du félin ». À travers la lettre adressée aux chefs d’État témoins de l’accord conclus avec Félix Tshisekedi qui, faut-il le rappeler, n’a pas gagné les élections, Joseph Kabila prend ces présidents africains à témoin tout en faisant endosser la responsabilité de tout ce qui arrivera à Félix. En fait, Joseph a déjà amorcé la phase de la confrontation, mais il ne veut pas donner l’impression d’etre celui par qui le désordre pourrait survenir en RDC.
D’où le ton extrêmement modéré utilisé dans sa correspondance dans laquelle il se présente comme le défenseur de la Constitution et de l’État de droit. Si à l’UDPS on est dans le triomphalisme et la gesticulation, à Kingakati on est dans la stratégie. En outre, le félin avance tout doucement en donnant l’impression de reculer, mettant ainsi la proie en confiance. Comme l’a écrit le grand stratège militaire chinois Sun Tzu, « celui qui pousse l’ennemi à se déplacer en lui faisant miroiter une opportunité s’assure la supériorité.»
À moins d’un revirement majeur, l’on avance lentement mais sûrement vers une confrontation, qui pourrait culminer à un conflit armé ouvert dans la capitale Kinshasa, avec des graves répercussions sur le reste du pays et la région des Grands Lacs. Si cela devait arriver, alors ils nous resterait qu’apprécier le talent de guerrier des uns et des autres, tout en sirotant un bon verre de lait nsambarisé. Peut-être que de leur destruction mutuelle viendra le salut…
Je bois mon lait nsambarisé…