Existerait-il un « nous » congolais, conscient et capable ?

Idriss Déby, le Tchadien, même mission que Paul Kagamé au Congo-Kinshasa ?

« Si la RDC, [et on se demande laquelle ? Celle de la Kabilie ?], refuse à nous donner de l’eau, nous allons la prendre d’une manière ou d’une autre ». C’est la phrase de trop, prononcée par le tchadien Idriss Deby lors de son passage à RFI. L’homme parlait avec assurance. À l’écouter, il donnait l’air de savoir ce qu’il disait. Sinon, comment expliquer le fait qu’il puisse affirmer publiquement, et sans même penser aux conséquences : « nous allons la prendre d’une manière ou d’une autre ».

Avant de poursuivre avec le développement du texte, j’aimerais d’abord souligner que son objet n’est pas de débattre de la question de l’utilité du projet de transfert des eaux de l’Oubangui au bassin du Lac Tchad. Ce sont uniquement des propos tenus autour de ce sujet par Idriss qui interpelle la conscience du nouveau type d’homme congolais que nous essayons d’incarner. Pourquoi dit-il et affirme que « nous, [c’est-à-dire eux], allons la prendre d’une manière ou d’une autre ».

Qu’on se le dise, la sortie médiatique du tchadien Deby trahit le grand jeu des puissances, « The Big Game » comme je l’appellerais, qui se joue au Congo-Kinshasa depuis quelque temps. Chacune des puissances, en situation de positionnement dans le monde en formation, voudrait et tient à avoir son morceau du gâteau congolais. Tout est fait, mais sans s’affronter directement les unes contre les autres. Sauf que dans leur jeu d’échecs, on a raison de demander quelle est la place qui est réservée à Idriss Deby ? En fait, qui est Idriss Deby ? Ou encore plus précisément, qui serait Idriss Déby sans la France ? La réponse à ce questionnement se résume en seul mot : rien. Si Idriss Déby ne représente rien, qu’il ne serait juste qu’un pion, alors c’est au nom de qui il parle ? C’est au nom de la France. Et que vaut réellement la France d’aujourd’hui, parmi les puissances en lutte de positionnement dans le monde en gestation ? Jean-Yves Jézéquel nous aide à répondre à la question. C’est dans son article « Le mensonge : une règle devenue institutionnelle ». Il écrit notamment à propos de la France : « Macron ayant vendu les industries de pointe françaises aux rapaces des USA, nous apprenons que la France vendue et trahie par ce gamin irresponsable, ne peut même plus construire un seul sous-marin à propulsion nucléaire sans l’autorisation de Washington ! […], Tous les pays européens sont au service de la stratégie américaine et protègent les intérêts étasuniens au détriment de leurs propres intérêts. Ils sont vassalisés, colonisés, soumis, enchaînés, bâillonnés et menacés de sanctions s’ils n’exécutent pas les volontés de ” l’État profond” des USA ».

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La France doit faire vite devant le retour en puissance de l’Allemagne sur l’échiquier européen et international. Pareil aux élites anglo-saxonnes, les Allemands, qui ont déjà avalé la Grèce de Yanis Varoufakis et Andreas Tsipas, sont décidés à ne rien laisser aux Français partout dans le monde et surtout en Afrique. Déjà, les deux s’affrontent indirectement au Togo, où les deux camps financent le pouvoir-os togolais (France) et son opposition (Allemagne). L’avènement de la Chine, de la Russie et de l’Inde sur la nouvelle scène internationale en gestation jette un pavé dans la mare. La Chine de Xi Jumping, pour ne citer que son cas, vend déjà des armes à Bangui. Elle est également au Tchad. Même si le Tchad reste encore pour le moment la chasse gardée de la France. C’est dans le même ordre que l’on peut placer le nouvel alignement de l’Angleterre. Elle l’avait déjà bien saisi. Brexit ne fut qu’un prétexte pour lui permettre, c’est ma thèse, de reprendre sa liberté de mouvement. Jamais, les Anglais allaient se soumettre au diktat de l’élite allemande comme le fait gentiment la France. Dans ses efforts pour redevenir « empire », les Britanniques créent de toute pièce l’affaire Skripal. C’est encore ma thèse. À juste titre, pour confirmer son retour et asseoir son leadership britannique. Un second coup d’essai, mais qui a réussi. Tous les États européens, y compris la France de Macron, qui a raté là une belle occasion de se démarquer et d’affirmer son indépendance, ont chassé, et ce après l’Angleterre, des diplomates russes de leur pays respectif. Le leadership incontestable de l’empire britannique est de retour en Europe. Que doit faire la France ? Comment devrait-elle s’y prendre ? Son soldat, le franco-béninois Lionel Zinsou lui disait déjà que le salut de la France dépend avant tout et en grande partie de son contrôle de l’Afrique. La France devrait se donner le rôle de parler pour l’Afrique et à sa place. Mais c’est en contrepartie de quoi, pour les damnés d’Afrique. La question se justifie quand on regarde le passé et le présent de l’histoire de l’Afrique et de l’Occident ?

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Le monde actuel change. Et il change réellement. Mais comment les Congolaises et Congolais perçoivent tout ce changement qui arrive, et qui s’installe déjà, alors qu’ils sont amusés par des élections ici et là et aussi par le cas de celui que tout le monde surnomme « Joseph Kabila ». Où sont passés tous ces Congolaises et Congolais, qui se sont toujours précipités à prendre des photos avec les Macron et autres Louis Michel ? À quoi servent ces photos et les relations qu’ils ont toujours présentées aux masses populaires congolaises comme des atouts à leur disposition ? Pauvre Congo !

Aujourd’hui, c’est le tour d’Idriss Déby de lever le ton. Comment expliquer son assurance ? Les soldats tchadiens occupent militairement Bangui. L’épisode de SELEKA à Bangui, c’était déjà sous leur encadrement militairement. Et à Bangui, capitale de la république centrafricaine, la France y a installé une base militaire. C’est comme pour dire que partout où se trouve la France en Afrique, Idriss et le Tchad se sentent à l’aise. À Bangui, il y aussi un contingent militaire de l’ONU. Il est composé à grande partie par des militaires de l’armée rwandaise. Les Tchadiens côtoient le Rwanda à Bangui. Et Bangui est aussi à proximité de la province congolaise de l’Equateur. Une nouvelle guerre est possible. Ce qui arrangerait les choses pour Kinshasa.

Pour rappel, des officiers tchadiens ont été formés à Kotakoli et Kitona par l’armée de Mobutu. Certains parmi eux, rencontrés récemment à Bangui, semblent mieux connaitre des militaires congolais de l’époque. Des officiers tchadiens ont très mal digéré la débâcle de l’armée congolaise face à la soldatesque rwandaise. Ils ne témoignent aucun respect aux militaires congolais. Voilà qui fait dire à Idris Déby que, si le Rwanda a réussi à occuper et dominer le Congo pendant plus de 20 ans, et sans être inquiété, ce que lui aussi, Idriss, serait en mesure de le faire. Et pourquoi pas lui ? Une occasion tant rêvée pour permettre à la France, dont il représente et défend les intérêts, de se repositionner en Afrique centrale. Qui manipule et instrumentalise qui ici ? Dans tous les cas, les Tchadiens sont conscients que l’armée congolaise actuelle, dirigée par le Rwanda, ne le combattra jamais. Le Rwanda n’en a aucun intérêt. C’est même une aubaine pour Kagamé. Si Idriss occupait le Nord du Congo, le Rwanda est assuré de ne jamais être chassé du Congo. Voilà pourquoi Idris, avec le soutien de ses parrains directs, se sent pousser des ailes.

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Dans tous les cas, quel que soit ce qui pourrait arriver au Congo, ce qui importe le plus est ce que ce nous fait, ce que nous allons faire, nous Congolais ? Qu’est-ce que nous faisons ? Qu’est-ce que nous sommes en mesure de faire, en dehors de nos discours, nos livres et nos mots ? Et qui est ce « nous » ? Existerait-il un « nous » congolais, conscient et capable ? Je ne parle pas ici du peuple congolais dans son ensemble, mais d’un groupe des nationalistes révolutionnaires convaincus et convaincants, qui seraient à même de relever le défi qui nous est lancé, à nous comme peuple ?

Likambo oyo eza likambo ya mabele, likambo ya mabele, eza likambo ya makila.

Patria o muerte, la patrie ou la mort

Mufoncol Tshiyoyo,
MT & Associates Consulting Group