Le Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone (CERMF) a le mérite de traiter de ce vaste espace stratégique. Un espace auquel personne ne semble plus porter l’attention qu’il mérite surtout depuis l’arrivée, l’année dernière, d’une anglophone, Louise Mushikiwabo à la tête de l’Organisation internationale de la francophonie.
Le CERMF publie peu mais certaines de ses notes sont intéressantes car elles vont à contre-courant des idées reçues. En mars 2019, par exemple, ce Centre publiait une étude indiquant que l’Afrique subsaharienne francophone continuait à être le moteur de la croissance africaine, contrairement aux théories qui circulent indiquant que les résultats économiques de l’Afrique anglophone sont meilleurs.
Dans sa dernière livraison, le CERMF s’est intéressé au Rwanda. Le titre est évocateur : « 10 choses à savoir sur le Rwanda… afin de ne plus se faire piéger »[1]. L’article en surprendra plus d’un tant la communication de Paul Kagamé depuis son arrivée au pouvoir en 1994 a été un modèle du genre. Il n’est en effet pas rare d’entendre ici ou là, que le Rwanda est un « modèle de développement« , « de gouvernance« , un « pionner des nouvelles technologies en Afrique« , etc., sans toutefois oser le vanter comme un parangon de démocratie.
Il est vrai aussi comme le rappelle la note que, le gouvernement rwandais a été amplement aidé dans cette tâche par ses deux puissants alliés, les États-Unis et le Royaume-Uni. Cependant, l’image d’Épinal si intelligemment lustrée commence à craqueler de toutes parts puisque désormais même les chiffres donnés par les institutions rwandaises et validés par la Banque mondiale sont contestés par des experts ou d’anciens fonctionnaires de ladite Banque.
D’après le document du CERMF, des « experts affirment également que le gouvernement rwandais a tendance à gonfler les taux de croissance réalisés par le pays, ou encore à réduire considérablement les taux réels d’inflation. »
Paul Kagamé, n’est certes pas le seul à pratiquer ce sport sur le continent. Toutefois, les « vrais » chiffres parlent, le PIB du Rwanda se situe au-dessous de celui d’un État comme le Mali, très loin donc du miracle économique annoncé. Pourtant le pays des mille collines est l’un des pays d’Afrique subsaharienne bénéficiant des aides au développement les plus substantielles. Mais où va donc l’argent se demanderont ceux qui croient dur comme fer au « modèle de gouvernance » rwandais ?
Fin du mirage rwandais ?
Cette note du CERMF est publiée dans la même semaine où la radio canadienne diffuse une enquête « Des espions parmi nous », consacré aux moyens sophistiqués mis en place par le gouvernement de Paul Kagamé pour surveiller et traquer ses critiques à l’étranger[2]. Enfin, autre nouvelle de cette fin octobre et non des moindres, dans l’affaire du père Wenceslas, qui est depuis 25 ans accusé à tort par Kigali d’être un génocidaire, la Cour de Cassation de Paris a, le 30 octobre, rejeté le pouvoir en cassation des parties civiles. C’est une victoire pour le prêtre et une indéniable défaite pour le pouvoir rwandais.
Paul Kagamé serait-il atteint par le syndrome kurde ? S’il n’est pas encore lâché par ses puissants partenaires, des signaux faibles montrent un début de changement dans la manière dont est traité l’État rwandais ; une timide levée de la chape de plomb qui pesait sur toutes les informations en provenance de ce pays. Et peut-être, qui sait, la fin de l’infinie complaisance dont Kigali a bénéficié jusqu’à présent.
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Notes
[1] https://www.cermf.org/10-choses-a-savoir-sur-le-rwanda-afin-de-ne-plus-se-faire-pieger
[2] L’enquête de Radio Canada :
https://ici.radio-canada.ca/info/2019/10/espionnage-rwanda-gouvernement-canada-paul-kagame/?fbclid=IwAR0joHVR3dcYbF5_3oiIWlt95xoGcVu8t9KgAnqzD7D7zSmwjarcEEU-6Ig
source : https://www.iveris.eu/list/documents/456-dix_choses_a_savoir_sur_le_rwanda