10 Questions à Charles Onana, journaliste d’investigation, écrivain et éditeur ! Par Freddy Mulongo de la Radio Réveil FM International.
Il vient de défendre sa thèse de doctorat sur le Rwanda, à l’université de Lyon, Charles Onana est l’un des meilleurs journalistes d’investigation qui fait la fierté de la corporation en France. Il a déjà publié plusieurs ouvrages sur l’Afrique à sa maison d’édition les Editions Duboiris, il est l’expert de la relation Franco-Rwandaise. Charles Onana est le journaliste qui a terrorisé Paul Kagamé, Hitler Africain, ce dernier avait porté plainte contre lui et par peur d’être ridiculisé à la Cour, le dictateur-terroriste rwandais a vite, vite, vite retirer sa plainte à Paris. Journaliste d’enquête et essayiste franco-camerounais, Charles Onana s’est surtout fait connaître par ses écrits concernant le génocide au Rwanda. Il est également connu pour son travail pionnier sur l’histoire des tirailleurs africains de l’armée française pendant la Seconde Guerre mondiale. Il a dirigé l’Organisation panafricaine des journalistes indépendants au sein de laquelle il a mené une enquête sur l’assassinat du journaliste burkinabé Norbert Zongo.
1.Réveil FM International: Pourquoi le pouvoir autocratique rwandais vous accuse d’exonérer la France dans le génocide rwandais, êtes-vous un révisionniste de l’histoire du Rwanda ?
Charles Onana: Le régime de Kigali accuse tous ceux qui interrogent la version officielle de la tragédie rwandaise, c’est-à-dire sa propre version. Or, un régime politique ne devrait pas dicter sa lecture de l’histoire aux universitaires et aux scientifiques, mais plutôt les données, les sources, l’analyse et la méthode. Ce que je constate concernant les événements de 1994 au Rwanda, c’est que le régime de Paul Kagame s’attache les services de certains universitaires et de nombreux journalistes pour attaquer, discréditer et finalement dicter sa seule lecture des événements du Rwanda. Ceci est arrivé à deux politologues américains Allan Stam et Christian Davenport de l’université du Michigan qui, après avoir questionné les formes de violence en 1994, sont arrivés à la conclusion qu’on ne saurait réduire cette tragédie au génocide dont les Hutus seraient seuls responsables. Alors qu’ils avaient bénéficié du soutien du gouvernement rwandais et qu’ils exposaient le fruit de leurs recherches à Kigali, ils ont été interrompus pendant leur exposé par l’armée et expulsés manu militari du Rwanda. C’est ainsi que le régime rwandais traite des chercheurs américains et les Etats-Unis n’ont pas protesté devant une attitude d’un tel anachronisme.
Je rappelle que ces universitaires ont travaillé pendant près de dix ans et peu de chercheurs ont été en mesure de leur opposer une contradiction à la hauteur de leur analyse. En revanche, ils ont été harcelés, insultés, par les thuriféraires du régime. Traiter des chercheurs comme Stam et Daventport de la sorte alors qu’ils sont aux Etats-Unis parmi les plus sérieux dans le domaine de l’analyse des conflits, cela pose question. Donc, prétendre que j’exonère la France est une opinion politique, pas un argument scientifique. On ne fait pas une thèse de doctorat pour accuser ou pour exonérer. J’ai écrit de nombreux livres critiques sur la France. Il suffit de voir ma production pour comprendre que je fais un travail libre. Ce n’est certainement pas le cas de ceux qui défendent aveuglément et de façon obsessionnelle l’histoire erronée de l’actuel régime rwandais depuis 1994
Au Rwanda, pas d’opposition, pas de presse libre et indépendante…Paul Kagame, président de l’Union Africaine ?
2.Réveil FM International: Vous avez défendu votre thèse de doctorat à l’université de Lyon, quel est a été le titre de votre travail ? Dans quel état d’esprit l’avez-vous défendu ? Il paraît que des policiers étaient présents pour vous protéger ?
Charles Onana: Non, c’est exagéré. Je n’ai pas besoin de policiers pour me protéger parce que je fais un travail scientifique et il n’y avait pas de policiers à ma soutenance. Nous sommes tout de même dans une université prestigieuse et j’étais très serein par rapport à mon travail. C’est vrai qu’il y a eu beaucoup de pressions autour de mon travail et que certains étaient manifestement angoissés à l’idée de me voir intervenir sur le terrain scientifique connaissant déjà mes travaux journalistiques. Je pense qu’ils avaient raison de s’inquiéter car une version inexacte de l’histoire tragique du Rwanda s’est confortablement installée dans certains milieux de la recherche et dans plusieurs universités européennes. C’est une version définitive, idéologique et dogmatique de la tragédie du Rwanda. Elle ne souffrait jusque-là d’aucune contestation cartésienne et s’apparentait à une sorte de consensus mou. Il fallait donc la questionner, la bousculer, la remuer en profondeur pour savoir ce qu’elle contenait de solide et d’irréprochable.
Le titre de mon travail est : ” l’Opération Turquoise et la controverse médiatique, analyse des enquêtes journalistiques, des documents secret-défense et de la stratégie militaire“. J’ai analysé les accusations de la presse sur le rôle de la France de 1994 à 2014. J’ai confronté ces données à de nombreuses archives américaines, rwandaises, onusiennes, françaises, et à des témoignages d’acteurs de premier plan. En cela, je peux dire humblement, sans prétention ni triomphalisme, que ma thèse est un tournant dans la recherche universitaire européenne sur la tragédie rwandaise. C’est d’ailleurs ce que pensent d’abord les membres du jury dont un professeur américain spécialiste des génocides. Quand on voit ce qui s’est passé dans les coulisses depuis mon inscription jusqu’à la soutenance, je peux comprendre qu’ils étaient nombreux parmi les défenseurs de la version officielle à redouter mon travail. Je suis désolé pour eux mais je suis ravi pour la qualité que pourrait prendre désormais le débat scientifique sur la tragédie du Rwanda de 1994.
3.Réveil FM International: Il y a quelques années, vous considériez le génocide Rwandais comme le plus grand mensonge sur l’Afrique. En ce début de l’année 2018, continuez-vous à penser la même chose ?
Charles Onana: J’ai plus que jamais des preuves à ce sujet. Avant, c’était le journaliste d’enquête qui l’affirmait avec des éléments précis. Aujourd’hui, c’est le chercheur qui l’atteste après avoir examiné des milliers de documents du Conseil de sécurité de l’ONU, de nombreuses archives classées secret-défense et plusieurs centaines de notes confidentielles de l’administration Clinton. Je peux affirmer que la majorité des écrits sur la question est sujette à caution. Les chercheurs honnêtes le savent même s’ils n’osent l’avouer publiquement.
4.Réveil FM International: Quel a été le vrai rôle de Paul Kagamé dans ce génocide? Pourquoi l’ogre de Kigali fait-il peur au monde entier y compris aux Nations-Unies ?
Charles Onana: Son rôle est capital dans le déclenchement de la guerre en 1990 contre le régime Habyarimana et en 1994 dans l’attentat contre le même Habyarimanaet son homologue du Burundi Cyprien Ntariyamira. Ce sont ces deux aspects qui sont aujourd’hui exclus du débat scientifique et du débat tout court. Avec quelle logique les Nations Unies peuvent-elles dire et soutenir que l’attentat du 6 avril contre Juvénal Habyarimana est l’événement déclencheur du génocide et que personne ne veuille faire la lumière sur les auteurs de cet attentat? D’ailleurs les Nations Unies ont elles-mêmes évité de soutenir l’enquête diligentée par une équipe du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR).
Pis, ce tribunal finira par prétendre que cet attentat ne relève pas de sa compétence alors qu’il figure bien dans le calendrier des actes criminels à examiner par cette juridiction. Souvenez-vous de la petite phrase du procureur Carla del Ponte : si c’est le FPR de Paul Kagame qui a abattu l’avion d’Habyarimana, alors il faut réécrire l’histoire du génocide. C’est bien cela la question aujourd’hui et les pressions multiples qui sont exercées sur les juges chargés de cette enquête en France témoignent de l’atmosphère qui règne à Kigali sur cette affaire. Les Nations Unies détiennent toutes les preuves sur le rôle joué par le FPR dans cet acte terroriste mais personne ne veut prendre de responsabilité dans ce sens.
5.Réveil FM International: N’avez-vous pas peur ? En 2002, Paul Kagamé et l’Etat Rwandais avaient retiré leur plainte en diffamation contre vous devant la 17è chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris. Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs, pourquoi ce retrait? Etes-vous le journaliste qui terrorise le régime terroriste de Paul Kagamé?
Charles Onana: Je ne crois pas être un zorro du journalisme d’investigation et je ne m’identifie pas à la terreur ni au terrorisme. Je crois simplement que je fais mon travail avec une certaine rigueur, une conscience professionnelle et une certaine honnêteté intellectuelle. Je n’invente jamais rien. Je ne falsifie pas les faits et je ne m’attribue pas un rôle qui n’est pas le mien. En clair, je ne suis ni justicier ni inquisiteur. Kagame et l’Etat rwandais voulaient le silence dans ce dossier de l’attentat et mon enquête a sorti ce dossier du silence. La plainte était une tentative d’intimidation et certainement une volonté de dissuader tous ceux qui oseraient traiter de cette question de prendre la moindre initiative. Ils ont manifestement été surpris qu’un Africain qui n’a aucun intérêt au Rwanda et dans cette région soulève une affaire qui semblait avoir été étouffée et enterrée. Ils se sont aperçus que j’étais décidé à défendre mon travail face à au bataillon d’avocats qu’ils avaient déployé contre moi. Les documents que j’avais fournis à la justice et le sérieux de mon travail les ont finalement contraints à l’abandon.
Paul Kagamé et son proconsul à Kinshasa: Alias Joseph Kabila Kanambe Kazembere Mtwale
6.Réveil FM International: Alias Joseph Kabila, sans légitimité, est hors mandat. Le proconsul de Paul Kagamé est en difficulté en RDC or ce dernier préside l’Union Africaine pendant une année … Cela veut-il dire que l’imposture, l’occupation et la médiocrité du régime de Kinshasa va tenir encore une année? Quelles sont votre analyse et projections sur la RDC actuelle?
Charles Onana: J’ai écrit plusieurs livres sur la questions de la RDC. Je crois que ceux qui ont lu superficiellement ces ouvrages doivent les relire. Ceux qui ne croyaient pas un mot au moment où ces livres étaient publiés sont aujourd’hui devant les faits et se rendent à l’évidence. La réalité en RDC est rude et douloureuse pour le peuple congolais. Kagame joue les faiseurs de rois en RDC, les uns et les autres le rencontrent discrètement ou officiellement, convaincus que c’est lui le patron de la RDC. C’est un triste spectacle pour la vie politique congolaise. Il est totalement absurde de courtiser un individu qui est responsable de l’assassinat de deux chefs d’Etat de la région, de l’extermination de plusieurs millions de Congolais et surtout du pillage des minerais et des richesses de la RDC depuis plus de dix ans.
L’Union Européenne doit également avoir le courage d’assumer ses responsabilités dans la tragédie de ce pays, elle qui a soutenu Joseph Kabila contre le vote des Congolais en 2006 et 2011 ne peut prétendre qu’elle ne savait pas, ne voyait pas ou ne comprenait pas. Les rapports confidentiels de la cellule stratégique et diplomatique de l’Union Européenne prouvent le contraire. Mêmeles observateurs de l’Union Européenne ont exprimé leurs réserves sur l’attitude de Bruxelles à l’égard de la RDC mais cela n’a jamais été pris en compte. Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Tout le monde constate aujourd’hui que Joseph Kabila a tué le Congo après avoir laissé Kagame et ses hommes tuer les Congolais. C’est aux Congolais de prendre leurs responsabilités face cette situation car ils ne peuvent objectivement compter sur la communauté internationale qui joue davantage la partition du cynisme que celle du droit international.
7.Réveil FM International: Alias Joseph Kabila, l’imposteur qui règne par défi sur la RDC sortira-t-il vainqueur dans le bras de fer qu’il a engagé avec le Cardinal Laurent Monsengwo, archevêque de Kinshasa. En ayant lancé des bombes lacrymogènes dans des paroisses et leur logique de victimisation marche à tous les coups, comment dire la vérité vraie ?
Charles Onana: Si je comprends bien votre question, le climat de violence et de brutalité qui s’est installé en RDC a obligé les évêques à rompre le silence. C’est une très bonne chose pour les droits des Congolais. Mais les évêques ne doivent pas rester seuls à dénoncer et à protester. Tout ce que compte la RDC d’hommes et de femmes devrait se joindre aux évêques pour défendre le peuple contre la barbarie et l’occupation dont sont victimes les Congolais. Le massacre des populations n’est pas une réponse démocratique dans un pays qui se réclame de l’Etat de droit. C’est indécent et inadmissible ce que l’on fait subir à ce pays et à ses enfants. Aucun pays du monde n’aurait toléré le quart de ce qui est fait aux populations congolaises depuis plus d’une décennie.
8.Réveil FM International: Nous apprenons que Mgr. Luis Mariano Montemayor, le nonce apostolique en RDC, qui avait dénoncé “l’Etat prédateur de son peuple” et reconnu la marche pacifique des laïcs catholique, est rentré à Rome , expulsé par le régime de Kinshasa. Que cherche le régime d’Alias Joseph Kabila ?
Charles Onana: Je ne connais pas ce dossier mais je crois que plusieurs évêques ont eu à payer pour la dignité de la RDC. Je pense notamment à Monseigneur Munzihirwa et Kataliko. Il y a bien d’autres. Cette situation est, je le répète, inacceptable et inadmissible. Va-t-on sacrifier tous les Congolais pour les kilos de Coltan, de diamant et de cassitérites? C’est ridicule mais c’est manifestement le projet de ceux qui encouragent ou soutiennent cette destruction massive des populations.
9.Réveil FM International: Pour une réconciliation entre Tutsis et Hutus, les Rwandais doivent dire la vérité entre eux ? Au monde ? De quelle vérité s’agit-elle ? On sait que les tutsis au pouvoir à Kigali mentent beaucoup, ils se victimisent en tout et pour tout, comment croire en la vérité vraie ?
Charles Onana: Vous savez le TPIR avait entre autres pour mission de parvenir à la réconciliation entre Rwandais. Il a lamentablement échoué car il n’a poursuivi que les Hutus exonérant dans le même temps les rebelles tutsis du FPR de tous leurs crimes. Quand j’ai rencontré le procureur Carla del Ponte en 2005, elle m’a dit avoir rassemblé, dans le cadre des enquêtes spéciales, de nombreuses preuves permettant la poursuite des rebelles du FPR. Ces preuves sont évidemment accablantes. Kagame lui aurait dit qu’elle n’a pas été désignée pour mettre les rebelles en accusation. Lorsqu’elle s’est rendue aux Etats-Unis, au département d’Etat américain, c’est là qu’on lui a dit qu’il était hors de question de poursuivre les rebelles du FPR. Pourtant, dans les archives des Etats-Unis et du président Clinton, ils ont toutes les preuves des crimes commis par le FPR et j’ai vu ces documents. L’attitude des Etats-Unis et de Kagame envers le procureur Carla del Ponte témoigne de la volonté de garantir l’impunité par le mensonge par omission aux rebelles tutsis. Ce qui veut dire maintenir une version fausse pour dissimuler le fait que la tragédie du Rwanda visait aussi la RDC. Le nombre de victimes au Rwanda et au Congo est tel que l’on préfère le silence et le mensonge par tous les moyens.
10.Réveil FM International: Les Congolais sont aux augets, les nonces franco-Rwandaises ne doivent pas se faire sur le dos de la République démocratique du Congo, ont-ils tort ?
Charles Onana: La France est tétanisée par le Rwanda à cause des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Ces pays ont largement soutenu les rebelles du FPR au Conseil de sécurité en 1994 et souvenez-vous que l’ancien Premier ministre Tony Blair est devenu le “conseiller bénévole” du dictateur rwandais. C’est un fait sans précédent dans l’histoire politique de la Grande-Bretagne. Il faut dire aussi qu’il y a des gens en France qui soutiennent Kagame pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la politique. Il sait que ces gens se moquent éperdument des intérêts de la France et du Congo. Ce sont des lobbies qui travaillent pour leur propre compte.