Réunis à Gitega pour analyser la réforme administrative du 21 août 1925 au Burundi et ses conséquences, sénateurs et députés, chercheurs des universités, représentants du gouvernement, Commission vérité et réconciliation et la Cnidh, tous fustigent l’existence des ethnies au Burundi. « De la poudre aux yeux », critique le public.
Au Grand Séminaire Jean Paul II, vendredi 31 juillet, le ton était accusateur. Pour tout ce monde ci-haut cité, « la colonisation est source de nos malheurs ». Selon eux, l’ethnicisation de la société burundaise a détruit l’Etat-Nation du Burundi.
« La haine intercommunautaire inoculée par les colonisateurs allemands et belges a engendré la déchirure du tissu social et la radicalisation ethnique », martèle Dr Jean Bosco Manirambona dans son exposé sur les aspects historiques et anthropologiques de la réforme administrative du 21 août1925. Pour lui, ces clivages ethniques savamment inculqués ont alimenté les conflits qui mineront le Burundi post-indépendance et empêchent jusqu’aujourd’hui de bien faire une bonne lecture socio-anthropologique du Burundi. « Avant, être hutu, tutsi ne signifiait pas une ethnie mais une classe sociale.
Aujourd’hui, nous continuons de croire qu’on est hutu ou tutsi par le sang. » Même son de cloche chez Aloys Batungwanayo qui affirme que la création et l’entretien des identités meurtrières ont exclu les Bahutu dans tous les secteurs du pays. « A la veille de l’indépendance, toutes les chefferies et sous chefferies étaient dirigées par les chefs et sous chefs Baganwa et Batutsi choisis sur leur fidélité au Roi et surtout à l’autorité belge. » La politique de diviser pour régner pratiquée par l’administration coloniale belge a annihilé la cohésion sociale dont jouissait la société burundaise en favorisant les Baganwa et les Batutsi d’une part, et en reléguant au second plan les Bahutu et les Batwa, d’autre part.
La pratique, une autre affaire…
Que ce soient les sénateurs, les députés, conférenciers, tous ont été unanimes à recommander au gouvernement de mettre en avant la bonne gouvernance axée sur la méritocratie pour que le problème ethnique et le divisionnisme de toute nature se décantent d’eux-mêmes. Observer l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation et l’Accord Global de cessez-le-feu comme piliers encore nécessaires de l’unité nationale.
En marge de cette retraite de deux jours, plusieurs personnes interviewées à Gitega accusent plutôt leurs compatriotes.
Pour eux, après 60 ans d’indépendance, les Barundi n’ont aucune excuse à vouloir toujours jouir du statut de victimes. « Nous savons que ces sénateurs et députés ont été élus sur des bases ethniques, occupent-ils alors des postes qui ne sont pas les leurs ? », s’interroge Bernard. Quant à Léopold qui se veut réaliste, il fustige ce retour aux sources comme une sorte d’échappatoire pour l’élite au pouvoir. « Les ethnies resteront un catalyseur pour occuper tel ou tel poste dans ce pays. Les hommes qui sont au pouvoir ne peuvent pas couper la branche sur la laquelle ils s’asseyent». Et Sylvestre d’abonder dans le même sens : « C’est de la poudre aux yeux. Ils continueront de nous mener en bateau tout en continuant de jouir des bienfaits de ces ethnies. L’important n’est pas de nier tout mais plutôt de voir la réalité en face pour construire une société démocratique, apaisée et sans discrimination.»
Par Jean Noël Manirakiza