Sur invitation du Président Congolais Félix Tshisekedi Tshilombo, le Président burundais Evariste Ndayishimiye a entamé ce lundi 12 juillet une visite d’État de trois jours en République Démocratique du Congo. Des attentes mais aussi des interrogations dans l’opinion à Gitega. Selon un communiqué de la Présidence de la République burundaise, cette visite d’État est « la matérialisation de la volonté des deux Chefs d’État de renforcer davantage les excellentes relations d’amitié et de coopération qui lient les Peuples de la RDC et du Burundi ainsi que la coexistence pacifique entre les Peuples respectifs ».
A Gitega, dans l’opinion, les relations au quotidien entre les Congolais et les Burundais sont perçues comme étant excellentes. Et pour preuve, beaucoup de ressortissants congolais se la coulent douce dans les villes du Burundi. Nombreux sont des étudiants qui fréquentent différentes universités du Burundi, notamment l’Université Espoir d’Afrique où la large majorité de la population estudiantine est constituée de Congolais. Une des meilleures structures sanitaires de Bujumbura, Kira Hospital, accueille un effectif important de ressortissants congolais. Avant la pandémie de Covid19, un ballet de commerçants s’observait au poste-frontière de Gatumba (Burundi)-Kavimvira (territoire d’Uvira en RDC), à 12 Km du centre-ville de Bujumbura. Nombreux étaient les habitants d’Uvira qui s’approvisionnaient en vivres et produits divers dans la ville de Bujumbura, notamment au marché dit « Kwa Siyoni ».
Divers enjeux derrière cette visite
Une chose est sûre : au sujet du bon voisinage, Gitega a toujours prôné l’intégrité territoriale de la RDC. Gitega n’a jamais eu à un seul moment des appétits sur les ressources de la RDC. Gitega soutient aussi la candidature de la RDC à l’intégration dans la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est (EAC), la plus dynamique entité économique sous régionale du continent africain. Dans l’opinion, l’adhésion de la RDC à l’EAC serait la bienvenue d’autant plus que ce vaste pays partage la frontière avec cinq sur les six pays de l’EAC (Burundi, Rwanda, Tanzanie, Ouganda, Sud Soudan, à l’exception du Kenya).
Au point de vue économique, un projet de la Banque Mondiale de construction d’un poste frontalier commun entre les deux pays à Gatumba au Burundi et Kavimvira en RDC va booster les échanges commerciaux entre les deux pays à la grande satisfaction des Burundais.
A court terme, elle pourrait booster le climat des affaires, ce qui concrètement se matérialiserait par l’augmentation du volume des échanges commerciaux. Les entreprises burundaises pourraient vendre leurs produits au Congo et vice-versa.
Cette visite va aussi renforcer l’intégration régionale par le développement des infrastructures de transport routier, maritime et ferroviaire entre les deux pays surtout à la veille de l’entrée da RDC à l’EAC. Ici, les Burundais comme les Congolais attendent l’aboutissement du projet de construction du chemin de fer à écartement standard Uvinza (Tanzanie)-Musongati (Burundi)-Gitega-Bujumbura-Uvira(RDC) – Kindu (RDC).
Mettre de l’eau dans son vin
Mais la perpétuelle problématique des forces négatives à l’est du Congo risque d’entacher les relations entre les deux pays. L’ex-Président de la RDC Joseph Kabila ne faisait pas assez face à la présence d’une multitude de mouvements rebelles. En outre, l’est de cet immense pays fait objet de convoitises géostratégiques. A un certain moment, tous les appétits du Rwanda visaient le Nord Kivu. Depuis quelques années, ce pays instrumentalise les Mai-Mai Bafulero et Babembe du Sud Kivu et ces derniers mènent des razzias dans les territoires banyamulenges pour voler du bétail qu’ils s’empressent d’acheminer vers le Rwanda. Aujourd’hui, les hauts plateaux de Uvira et Fizi sont devenus le théâtre d’une guerre par procuration.
A terme, cette insécurité impacte non seulement les échanges commerciaux entre la RDC et le Burundi et la menacent la sécurité de ce dernier. Pour cela, des accords entre les deux pays ont été signés pour mener des opérations conjointes de poursuites des forces négatives sur leurs territoires respectifs. Le Burundi n’a jamais mené de guerres par procuration à l’est de la RDC. Cette visite du Président burundais à Kinshasa va sûrement se pencher sur la question de la lutte contre les forces négatives qui pullulent dans le Sud Kivu. L’opinion burundaise veut croire que la visite permettra de renforcer le bon voisinage par le rétablissement de confiance entre le Burundi et la RDC.
Mais, bien de Burundais se posent des questions sur la relation qu’entretient le Président Ndayishimiye avec son homologue Tshisekedi. Les deux Présidents arriveront-ils à établir une relation de confiance comme celle qu’entretenait Gitega et Kinshasa au temps de l’ex-Président Joseph Kabila Kabange ?
Pour rappel, Félix Tshisekedi avait rencontré l’ancien Président Pierre Nkurunziza lors de sa visite officielle à Bujumbura en juin 2019. Une visite qui était axée sur la relance de la coopération économique entre les deux pays mais aussi sur les questions sécuritaires.