Des jérémiades à chaque discours, quelques démarches diplomatiques, l’accent sur un pays au passé hitlérien et les robinets de l’aide se rouvrent. Quelques petits millions débloqués, pas assez pour rééquilibrer le budget du général Kagame, mais suffisamment quand même pour que l’homme se sente le punch d’entamer une réflexion qui aboutira – si rien ne change – à une modification de l’article 101 de la constitution, lui ouvrant ainsi la voie à un troisième mandat. Partout dans le pays, des paysans se font déjà suggérer de proposer au dictateur un autre septennat. Le Front patriotique, malgré le fait de répéter qu’il a une génération prête pour la relève, n’a paradoxalement pas encore trouvé l’homme qui enverra afande Kagame à la retraite. Qui oserait d’ailleurs montrer sa tête ? Qui, alors que tout le gotha de ce parti est constitué des personnes qui, politiquement, idéologiquement et financièrement sont des créatures (donc des obligés) de l’assassin de Habyarimana ? Très lentement donc, mais sûrement, les Rwandais sont en train de vivre l’émergence d’une présidence à vie.
La question lui a été mille fois posée et, à chaque fois, l’homme disait qu’il quittera le pouvoir en 2017. Sans tripatouiller les dispositions constitutionnelles, assurait-il. Était-il cru par ses interviewers ? Peut-être. Pour beaucoup de ses compatriotes cependant, au moins trois raisons incitent à la prudence. Tout d’abord, le casier judiciaire de l’homme. Si les Ougandais ont eux fait une impasse sur le personnage de Pilato et de ses (basses) œuvres à Basiima House, les Rwandais ne s’imaginent pas un seul instant Kagame ex-président (sans immunité) échapper à la dureté de la loi. Ne parlons même pas de ce qu’en pensent les Congolais. Il faudra bien que Kagame explique un jour à ses compatriotes le pourquoi des meurtres qui jalonnent sa carrière militaire (de Kagitumba à Tingi-Tingi) et politique (Seth Sendashonga, Assiel Kabera, Placide Koloni, Augustin Cyiza, Wilson Rutayisire, André Kaggwa Rwisereka, Kabendera Shinani, Charles Ingabire et beaucoup d’autres). Kagame est conscient de ce « futur » qui l’attend et les cas Hissène Habré ou Hosni Moubarak, assignés en justice alors que puissants juste la veille, ne militent pas en faveur d’un départ en 2017.
Viennent ensuite les parasites. Ceux qui gravitent autour de l’akazu afandien. Ils sont très nombreux les gens qui ne sauraient quoi faire ni où aller si demain Kagame venait à ne plus être président. Tous ces officiers illettrés tel Fred Ibingira pourront facilement se suicider car ne pouvant de leur propre gré se rendre devant une juridiction. Ils risqueraient même un coup d’état pour être califes à la place du calife. Il y a ensuite tout ce que l’Afandie compte de délateurs et de techniciens. Les uns et les autres ont tellement causé du tort au peuple rwandais que leur salut ne pourra exister en dehors d’une présidence à vie du général Kagame. Calomnies, fabrique de fausses preuves, faux témoignages, intimidations, extorsion, assassinats… toutes ce pratiques ont enrichi une partie des Rwandais et donné un peu de considération à d’autres. Tous ceux-là constituent, à l’heure actuelle, le corps de ceux qui feront tout pour que s’instaure une monarchie kagamienne au Rwanda. Malgré tout ce que leur roi peut avoir comme bonne volonté, sans une amnistie générale pour ces parasites-là, leur avenir est tout sombre et incertain.
Il y a enfin le contexte international. Peut-on imaginer un Kagame devenu citoyen lambda alors que deux de ses voisins sont encore au pouvoir ? Le congolais Joseph Kabila et l’Ougandais Yoweri Museveni tirent théoriquement jusque 2016. Théoriquement car Museveni sait manipuler sa constitution et rien ne dit pas que Kabila sera en reste. L’orgueil du Rwandais ne le permettrait donc pas de s’en aller avec pareille incertitude. Quitter le pouvoir en 2017 signifierait pour Kagame un échec personnel après la série des déboires diplomatiques qui s’est accélérée à partir de son soutien au M23. Sous-fifre de l’impérialisme américain à l’image des Mobutu, Manuel Noriega, Ferdinand Marcos, Kagame veut terminer sa carrière politique non pas comme Nyerere ainsi qu’il aime mentir, mais en laissant l’impression de n’avoir jamais cédé devant ceux qui l’ont intronisé. Mieux, il aimerait quitter le fauteuil présidentiel en ayant donné des bonnes leçons à quelques Occidentaux (France ou Belgique par exemple). L’entêtement d’un Mugabe, la brutalité d’un Idi Amin Dada et le tropisme sécuritaire d’un Ariel Sharon, voilà le troisième septennat annoncé… Si rien ne change.
Car depuis maintenant quelques semaines, un prêtre reconverti en politique a promis d’exorciser le Rwanda. À la tête du dernier-né des partis politiques rwandais, Thomas Nahimana a assuré être capable de dégager le démon Kagame en 22 mois seulement. Programme ambitieux.
Cecil Kami