Le Rwanda a-t-il réellement conquis le Nord-Kivu des siècles avant la période de colonisation ?

L’expansion du Rwanda au Nord-Kivu selon la version rwandaise en se focalisant spécialement sur les contradictions des soi-disant conquêtes rwandaises avant le 19ème siècle est « un acte d’usurpation ».

Comment un nouveau royaume qui a dû prendre beaucoup de temps pour s’organiser et s’affirmer, d’abord à l’intérieur de ses limites a pu conquérir des territoires étrangers ?

Tribune de Didier AMANI SANGARA, un analyste indépendant de la région des pays des grands-Lacs

En 1962, Jan Vansina avait déjà relevé cette situation lorsqu’il écrivait : « au Rwanda occidental … la conquête rencontrait des blocs homogènes de Hutu » chez qui « chaque campagne militaire Tutsi était suivie d’une révolte ». Aussi conclut-il : « En 1900, le Rwanda n’était pas un Etat Uni. La conquête de l’Ouest s’avérait illusoire ». De même, le Bugoyi n’aurait été incorporé efficacement dans le royaume nyiginya que « bien après 1875 sous le règne de Kigeri IV Rwabugiri ».

Le témoignage de l’Abbé Alexis Kagame, recueilli en 1973 par Edmond Mujynya, alors Secrétaire Général Académique de l’UNAZA [Université Nationale du Zaïre], Campus de Lubumbashi montrait que les anciens rois du Rwanda n’ont pas cherché à conquérir la région du Nord-Kivu, expliqua-t-il, « une région située au nord des volcans et habitée par des Bahutu indépendants car non soumis à l’autorité d’un chef tutsi à laquelle ils étaient réfractaires ». Pour les anciens rois du Rwanda, ils considéraient cette région comme « hostile » en la qualifia de « Ibubisha » : chez l’ennemi ou chez les ennemis ou vivaient les Bahutu. Ces rebelles insoumis Hutu ne supporteraient pas l’imposition tutsi à leur époque.

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Kigeri II Nyamuheshera, roi imaginaire

L’Abbé Alexis Kagame (1912-1981) qui a présenté Kigeri II Nyamuheshera comme l’un de ces rois qui auraient réalisé beaucoup de conquêtes dans le Nord-Kivu vers 1576-1609 et 1640 a été contredit par Roger Hermans qui avait écrit que Kigeri II Nyamuheshera aurait commencé son règne en 1672. Et d’après Jan Vansiva, Kigeri II Nyamuheshera n’est pas un roi historique. Il semble être fictif. Il aurait été ajouté sur la liste non fiable des prétendus rois prédynastiques par après pour obtenir ou parfaire un cycle des noms dynastiques, … où manquait un Kigeri. Cela est coloboré par le manque des données au sujet de ce roi qui n’aurait créé aucune armée … et manquerait de descendance. Ce roi est donc imaginaire selon les chercheurs et ses conquêtes constituent une pire invention. Dans la même logique, Ruganzu Ndori, le fondateur du royaume rwandais au 17ème siècle vers 1650 ne fut pas, non plus, son grand-père.

Jan Vansina poursuivit en écrivant que Yuri II Gahima serait aussi un roi imaginaire et fictif. On a inventé Gahima de toutes pièces pour compléter un cycle ou une génération de rois. Vient ensuite Ndahiro II Cyamatare pour lequel Jan Vansina écrit qu’il s’agit à nouveau d’un personnage fictif …, légendaire. Alexis Kagame qui situe le début de son règne tantôt vers 1550, tantôt entre 1447-1510 écrit qu’il subit « Une invasion des Bashi, riverains occidentaux du lac Kivu et qu’il a été vaincu et tué ». Et s’il a été tué et vaincu, on peut conclure qu’il n’a rien conquis dans le Congo.

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Aliénation culturelle

Il est important d’être rigoureux. Rien ne sert d’accepter les écrits qui vous entraînent dans le mensonge et vous soumettent dans une bataille perdue d’avance. Cet historien qui aurait écrit sur les conquêtes des monarques nyiginya dont : un certain Gihanga, dont son Kigwa …, personnage fictif ou légendaire, fondateur de la dynastie tutsie et son premier roi de 1091 à 1124 qui aurait résidé tantôt à Buhindangoma, près de Rutshuru ; or que Jan Vansina affirme de manière péremptoire que c’est plutôt Ruganzu Ndori qui a fondé le véritable royaume rwandais vers 1650 ; a entrainé l’Afrique noire dans une véritable « aliénation culturelle » qui comporte un « arsenal de mots » qui devraient « passer à douane préalable de notre esprit critique ». Les principaux vocables qui doivent passer à la douane sont les trois suivants : « chronologie, conquête et infiltration/immigration ».

Au vu de ces incertitudes, nous pouvons retenir jusqu’à preuve du contraire, qu’avant le passage de Kigeri IV RWABUGIRI dans le Grand Bwisha, ensuite sur le Masisi, aucun autre roi rwandais n’a exercé une quelconque autorité, ni administrative, ni politique sur le Nord-Kivu. « Il n’y a rien de plus trompeur dans l’histoire du royaume nyiginya que la mention de « Conquête », car cette terminologie cache des réalités très différentes ». Cette philosophie de l’histoire a déformé sérieusement l’opinion sur le passé du Rwanda. « Tout cela confirme la culture multiséculaire du mensonge chez les Tutsis du Rwanda, une culture épinglée par plusieurs chercheurs, qui y ajoutent la ruse et l’art de l’intrigue ».

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Le Grand Bwisha : l’ensemble des régions de Jomba, Busanza, Binza, Bukoma, Kisigari, Rugari, Bweza, Bukumu, Bwito, Mushari et lac Edouard, telles que fixées dans le Procès-Verbal de l’investiture du Grand Chef Daniel Ndeze, le 11 décembre 1929 par M. Le Docte, alors Commissaire de District du Kivu était convoité par les rois nyiginya suite à de produits végétaux (le commerce du sel minéral de Katwe et Vitchumvi) au Nord-Kivu précolonial entre 1830 et 1911. Et les échanges entre la zone forestière de la cuvette du Congo et l’ensemble inter lacustre : le cas du commerce des fibres végétales du raphia (dernier quart du 19ème siècle en 1930 pouvait attirer l’attention des prédateurs.

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