Réaction sur la présence du Dr D. Mukwege aux consultations

Par Patrick Mbeko

Le docteur Denis Mukwege a rencontré Félix Tshisekedi dans le cadre des consultations. Il a plaidé, comme il le fait depuis des mois, pour la mise en place d’un tribunal pénal international pour le Congo devant juger les violations graves et massives des droits de l’homme survenues en RDC. Sur cette question, le docteur est resté égal à lui-même.

Toutefois, je pense que le Prix Nobel n’avait pas à se prêter à cette comédie de mauvais goût. Même si ses intentions ont toujours été nobles et qu’il a profité des concertations pour passer son message, il n’en reste pas moins que sa présence a donné un vernis de légitimité à un évènement dont les motivations ne concourent aucunement au bien-être des Congolais. Cette présence a envoyé un (mauvais) message puissant à ceux des Congolais qui doutaient, avec raison, du sérieux des concertations. « Denis Mukwege aussi était là » déclarent fièrement les Tshisekedistes, comme pour dire que ce qui se passe au Palais de la nation, c’est du sérieux. Et pourtant…

Même si je comprends parfaitement la posture de neutralité du docteur, je pense tout de même qu’à un moment donné, il faut juste dire NON à certaines choses. Si j’étais son conseiller, je lui aurais dissuadé de se rendre à Kinshasa. D’autant plus que la présidence n’avait pas vraiment besoin de lui et ne l’a utilisé que pour sa communication politique intérieure. De plus, on ne peut pas continuellement prendre des arrangements avec le mal — même quand c’est fait de bonne foi — comme le font les politiciens et certains membres de la société civile. Dans cette République à démocratiser du Congo, les gens ont pris l’habitude de ruser avec les principes en permanence en se disant que « tour oyo ekozala différent », mais la réalité des faits finit toujours par les rattraper. On ne peut pas poser les mêmes actes régulièrement en s’attendant à des résultats différents…

LIRE  Mwitege ibyaha bagiye guhimbira Gilbert Mwenedata batigeze bamushinja atarava mu Rwanda

Hier on a cautionné la fraude électorale en disant que « Félix est notre frère », que « du mal pouvait sortir le bien ». Résultat : la situation politique et socio-économique du pays s’est considérablement détériorée. Aujourd’hui, on cautionne les consultations au nom de la lutte contre le FCC et Joseph Kabila, oubliant ou choisissant d’ignorer que Félix Tshiskekedi est lui-même le produit du système maffieux que tout le monde décrie; qu’il a non seulement comploté avec le même Kabila contre le peuple en janvier 2019, mais il est en plus le meilleur allié de Paul Kagame dans la sous-région. Occulter cela ou choisir de le passer sous silence est hautement dangereux pour la République. Ça nous place en porte-à-faux avec le réel…

Le docteur Mukwege a raison de dire que « la coalition ne doit pas être une espèce d’oasis qui cache des criminels ». Mais le problème est que Félix Tshisekedi lui-même est le partenaire du patron (Kagame) de la plupart des criminels qui prospèrent au Congo. Le docteur lui a également demandé de s’impliquer personnellement dans la lutte contre l’impunité, ce qui est une très bonne chose. Mais de quelle impunité on parle ici ? De celle dont jouit le FCC seulement ou l’impunité accordée aux sous-traitants du Rwanda qui sèment la mort et la désolation dans le Kivu depuis des années ? Où en est-on avec Minembwe ? Quid de la promesse faite à Goma d’annuler l’érection de cette agglomération en commune ?

Je l’ai dit et le répète : Félix Tshisekedi est trop proche de Paul Kagame pour remettre en question les intérêts du Rwanda en RDC. À moins d’un revirement majeur, je le vois mal soutenir la création d’un TPI pour le Congo dans les conditions actuelles, et contrairement à ce que j’ai entendu ici et là, la création d’une telle juridiction ne réglera pas le problème de Minembwe, qui lui s’inscrit dans une dynamique autre et implique des enjeux qui n’ont pas nécessairement de rapport direct avec la justice…
En fait, depuis Sun-City, les problèmes de fond auxquels le Congo est confronté ont toujours été traités avec beaucoup de légèreté. On prend des arrangements avec la vérité et les faits en espérant naïvement que la situation calamiteuse dans laquelle se trouve le pays va s’améliorer. Cette manière d’aborder les problèmes de la République est la base de la souffrance perpétuelle dans laquelle est englué le peuple congolais depuis 1999. Il faut changer certaines façons de faire les choses. Il faut remplacer le logiciel.

LIRE  There is no where to run or hide for James Musoni

À un moment donné, il faut un discours de vérité dépourvu de toute complaisance. Il est temps d’appeler les choses par leur nom. On ne peut pas faire d’un voleur un ange, pas plus qu’on ne saurait faire de Satan le Christ. Tant qu’on appellera un chat un chien et un chien un renard, rien ne changera au Congo. Il est vraiment grand temps de rompre avec la culture des faux-fuyants et de l’esquive. À chaque fois qu’on a voulu construire la maison Congo avec le béton du mensonge, de la fourberie et du faux, le vent de la vérité est venu tout balayer, rappelant à que point le Congo du mensonge et du faux était fragile.

Les Congolais tolèrent des choses qu’aucun peuple sérieux ne saurait tolérer, et cela n’est pas normal. Les gens sont tellement habitués aux petits arrangements qu’ils ne sont pratiquement plus capables de faire les choses dans les règles. Tout se négocie, même la dignité. Ceux qui résistent à ce système mortifère qui chosifie les Congolais sont regardés comme des extraterrestres voire détestés. On me reproche souvent d’être intransigeant, mais encore faut-il préciser pourquoi. Dans un pays qui a été amputé de près six millions de sa population en quelques années seulement, prendre des arrangements avec le mal et le mensonge est criminel. Je suis prêt à soutenir et à accompagner un frère qui reconnaît sincèrement ses fautes et demande mon aide pour changer les choses. Après tout, ne sommes-nous pas tous des êtres imparfaits ?

Mais une personne qui s’enferme dans le mensonge, la fourberie et le faux, refusant de reconnaître le tort qu’il a causé à tout un pays tout en tentant de faire croire qu’il bataille pour le bien-être des habitants de celui-ci, ne trouvera jamais grâce à mes yeux. La vérité avant tout et le reste après. C’est une question de principe et désolé si cela dérange…