Nous exigeons des signes de vie des personnes qui accompagnaient feu Kizito Mihigo.
Six mois jour pour jour se sont écoulés depuis le décès de Kizito Mihigo, chantre de la paix, de l’unité et de la réconciliation nationale au Rwanda. Le 17 février 2020, la police avait annoncé la mort de Kizito Mihigo, affirmant que le chanteur s’était suicidé dans sa cellule au poste de Remera, à Kigali. Il avait 38 ans.
Selon les autorités rwandaises, ce Tutsi rescapé du génocide aurait été arrêté jeudi 13 février 2020 dans le district de Nyaruguru, dans le sud du Rwanda, en tentant de se rendre au Burundi en compagnie d’un autre individu, après avoir été repéré par deux paysans.
Les autorités rwandaises n’ont jamais expliqué en quelle capacité des paysans lambda ne possédant pas les pouvoirs de police se permettent d’appréhender les passants.
Des pays partenaires du Rwanda, des organisations nationales et internationales de défense des droits humains avaient appelé les autorités rwandaises à ouvrir une enquête internationale indépendante, impartiale et transparente.
Bon nombre de journaux ont relayé des positions semblables.
En ces jours où ses compatriotes et amis du monde entier continuent à pleurer sa mort et à lui rendre hommage, force est de constater qu’aucune enquête indépendante et crédible n’a été autorisée pour lever le doute persistant quant aux circonstances de son arrestation et de sa mort inopinée.
A ce jour, plusieurs questions cruciales demeurent sans réponses :
Circonstances de la mort de Kizito Mihigo
Le Procureur général du Rwanda, reprenant les versions de la police affirmant que Kizito Mihigo était mort par asphyxie “avec pendaison comme cause la plus probable”, avait clos tout débat sur cette question en assénant, le 26 février 2020, qu’il n’y avait « pas de motif à engager des poursuites pénales ».
Réagissant à pareilles affirmations, Mr Lewis Mudge, Directeur pour l’Afrique Centrale au HRW déclarait : “Lorsqu’il s’agit de l’Etat de droit et des droits humains les partenaires et bailleurs de fonds du Rwanda ne devraient pas rester silencieux. Ils devraient appeler à une enquête crédible et l’affirmation sans équivoque pat le gouvernement de sa détermination à rendre justice dans cette affaire cruciale.”
De son côté, le journal La Croix s’indignait en ces termes : “La mort suspecte de Kizito Mihigo doit être un électrochoc pour la communauté internationale. Il ne devrait plus être toléré qu’au Rwanda, pays présenté comme un modèle de développement, des personnes perçues comme étant critiques vis-à-vis du régime ou opposants notoires meurent de manière opaque en détention ou, disparaissent simplement de la circulation sans que les autorités au pouvoir soient réellement mises devant leurs responsabilités”.
Le Monde du 17 février 2020 écrivait : “Au pouvoir depuis 1994, Paul Kagame est accusé de diriger le pays d’une main de fer, de réprimer toutes les formes de dissidence et d’emprisonner ou d’exiler des politiciens de l’opposition. Human Rights Watch a notamment accusé le régime d’exécutions sommaires, d’arrestations, de détentions illégales et de tortures en détention.”
Le sort réservé aux compagnons de route de Kizito Mihigo : Combien étaient-ils ?
S’agissant de leur arrestation, le seul élément fourni par la police rwandaise est une photo qui a circulé sur les réseaux sociaux montrant Kizito Mihigo aux côtés de deux (2) autres individus, 2 sacs de voyage à leurs pieds, ce qui laisse penser qu’ils étaient trois (3) compagnons de voyage, si tant est que ce voyage ait eu lieu !
Le journal Jeune Afrique[1] parle d’une seule personne arrêtée en compagnie de Kizito Mihigo. Le 14 février 2020, reprenant la version donnée par la police rwandaise, ce journal écrivait qu’« Il aurait été arrêté en compagnie d’un autre individu après avoir été repéré par deux fermiers. »
En revanche, dans une interview en kinyarwanda avec la BBC, la porte-parole du Bureau national des investigations avait promis de livrer les informations relatives aux deux autres personnes dès qu’elle les aurait réunies.
Quelques jours plus tard, dans un communiqué daté du 26 février 2020, le même Bureau des Investigations -RIB- ne mentionne plus que l’arrestation du seul Kizito Mihigo.
Où sont donc passés les deux autres individus figurant sur la photo ?
Il est de la responsabilité de la police rwandaise de faire la lumière sur l’identité et le sort réservé aux deux (2) personnes figurant sur la seule photo où l’on voit Kizito Mihigo vivant.
Les deux (2) hommes, majeurs et responsables de leurs actes, avaient le droit d’aller et venir sur l’ensemble du territoire national ;
Ils savent donc ce qui s’est passé ce jour-là :
– Eux seuls sont en mesure d’aider à reconstituer les circonstances de lieu et de temps de leur arrestation, quand et où ils ont été séparés de Kizito Mihigo, où et quand ils l’ont vu vivant pour la dernière fois.
– Pourquoi les garder en confinement depuis le 13 février 2020, pourquoi les avoir détenus incommunicado alors qu’ils ne sont coupables de rien d’autre que d’avoir accompagné Kizito ?
Plusieurs hypothèses peuvent expliquer pourquoi la police rwandaise les séquestre depuis plus de 6 mois :
Premier scénario : Ils ont été assassinés comme Kizito Mihigo parce que leur maintien en vie aurait constitué une épée de Damoclès au-dessus de la tête des assassins de Kizito Mihigo ;
Deuxième scénario : Ils sont vivants mais dans un état tel que la police préfère les soustraire à la vue du public et des organisations de droits de l’homme.
Ce que demande et exige La Fondation Ibukabose-Rengerabose Mémoire et Justice pour tous :
La Fondation compte sur l’infatigable engagement humanitaire des organisations Human Rights Watch, Amnesty Internationale, ODHR (Observatoire des Droits de l’Homme eu Rwanda), CROIX Rouge Internationale, l’ACAT, FIDH, le CLIIR (Centre de Lutte contre l’Impunité et Injustice au Rwanda), le RIPRODHOR (Réseau International pour la Promotion et la Défense des Droits de l’Homme au Rwanda), de faire tout ce qui est possible pour
– Faire pression sur le régime rwandais afin qu’il accepte une enquête internationale indépendante, impartiale et transparente sur la mort du chanteur Kizito Mihigo, apôtre de la paix et la réconciliation nationale.
– Obtenir des éclaircissements sur la situation des codétenus de Kizito Mihigo, de les rencontrer s’ils sont toujours en vie, afin de rassurer leurs familles et l’ensemble de la communauté rwandaise.
– Le gouvernement rwandais doit donner des signes irréfutables de vie (identité, situation actuelle) de ces deux citoyens rwandais dont le seul crime est de s’être trouvés en compagnie de Kizito Mihigo.
A défaut d’accepter une enquête internationale indépendante crédible sur la mort mystérieuse du chanteur et de fournir les signes de vie de nos deux compatriotes qui sont des témoins irremplaçables dans l’enquête sur la mort inexpliquée de Kizito Mihigo, le gouvernement du président Kagame aura reconnu implicitement son rôle et devra alors assumer la responsabilité de l’assassinat de Kizito Mihigo et ses deux compagnons d’infortune.
Pour la Fondation Ibukabose-Rengerabose Mémoire et Justice pour tous
Ambassadeur Jean Marie Vianney Ndagijimana
Président