« Rwanda Bridge Builders » la voie vers le dialogue?

Presque tous les Rwandais s’accordent sur le besoin de collaboration, ou du moins, de dialogue entre les différentes composantes du paysage politique rwandais. Plusieurs initiatives ont par le passé essayé en vain de réaliser cette union, mais personne n’a jusqu’à présent réussi ne serait-ce qu’à amener toutes les organisations à la même table de discussions.

Une énième initiative vient d’être lancée dans ce sens par un comité d’initiative composé de Gilbert Mwenedata, ancien candidat à l’élection présidentielle de 2017, Daphrose Nkundwa, ancienne présidente du RIFDP section Belgique, l’ambassadrice Charlotte Mukankusi ainsi que l’ambassadeur Jean-Marie Vianney Ndagijimana. Ce comité s’est donné pour mission de rassembler toutes les organisations qui œuvrent pour un changement politique au Rwanda et de créer un cadre permettant un dialogue entre ces nombreuses organisations partisanes ou non afin de bâtir des ponts entre les Rwandais.

La première rencontre organisée par ce comité qui s’est donné pour nom “Rwanda Bridge Builders” s’est tenue du 23 au 24 mai 2020. La rencontre a réuni 35 organisations dont des partis politiques et autres organisations de la société civile. Suite à cette première rencontre, le comité a convié la presse pour expliquer son projet et répondre aux nombreuses questions suscitées par leur initiative.

Un dialogue inclusif

Les initiateurs ont souligné que leur démarche se veut la plus inclusive possible. Pour cette première rencontre, ils ont réussi à réunir 35 organisations, tant de la société civile que des partis politiques, mais avec quelques absences notoires parmi les organisations politiques. Il y a aussi la question de la myriade d’organisations éparpillées à travers le monde qui voudraient participer à ce dialogue.

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Quelles que soient les raisons de l’absence des uns ou des autres, les initiateurs promettent de reprendre leur bâton de pèlerin afin de nouer contact avec le plus d’organisations possibles et continuer leur travail de conviction auprès de ceux qui sont encore réticents.

C’était pour les initiateurs l’occasion d’encore expliquer que le but de leur action est avant tout de bâtir des ponts entre Rwandais. Sur ce point, l’ambassadrice Charlotte Mukankusi a encore insisté sur le fait que l’initiative vise avant tout à jeter les bases de discussion afin de créer des ponts entre Rwandais. Dans cette vision, les ponts devraient aussi arriver à Kigali car comme le dit Mukankusi, le but ultime est un dialogue franc avec le régime en place à Kigali.

Mais cela prendra du temps car, comme rappelé par les initiateurs, la réunion du 24 mai n’était qu’un premier pas vers le rassemblement des organisations rwandaises que tout le monde appelle de ses vœux.

Histoire et justice

Les questions qui divisent la communauté rwandaise sont pour la plupart liées à l’histoire ou à la justice. Cela ressort notamment dans les questions qui sont posées ou dans les commentaires entendus dans les différents forums de discussion entre Rwandais.

Le comité d’initiative se dit bien conscient que ces deux thèmes devront vite se retrouver à l’ordre du jour des prochaines rencontres.. Mais pour l’instant, il n’y a eu qu’une rencontre et il s’agit avant tout de créer un espace de dialogue pour que les Rwandais apprennent à se connaitre et à se parler avant de mettre sur la table les thèmes plus difficiles.

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Il y a aussi la question de ceux qui ont des responsabilités dans les événements qui ont endeuillé notre pays, peuvent-ils aussi participer à la recherche des solutions ? Le comité ne souhaite exclure personne à priori, tous les Rwandais de bonne volonté peuvent participer à la recherche des solutions. Quant à la question de la justice pour toutes les victimes des atrocités, tout le monde s’accorde sur le fait que la justice est nécessaire pour reconstruire notre pays mais reste pour l’instant impossible avec le régime en place à Kigali.

Pas de promesses mais de l’espoir quand même

L’initiative Rwanda Bridge Builders n’est pas le premier essai de rassemblement des organisations rwandaises de l’extérieur. Beaucoup se sont soldées par des échecs cuisants, d’où une méfiance presque viscérale du public rwandais pour ce genre d’initiative.

Le comité ne veut rien promettre quant aux résultats de l’initiative, le seul espoir de réussite reposant sur la bonne volonté des participants et sur les leçons apprises des échecs passés.

Les initiateurs veulent aussi s’inspirer des réussites du passé dont notamment les riches travaux réalisés dans le cadre du Dialogue Inter Rwandais Hautement Inclusif (DIRHI) qui reste à ce jour la tentative la plus aboutie de faire dialoguer les Rwandais. C’est pour cela que le comité a invité Pierre-Claver Nkinamubanzi du DIRHI à se joindre à lui afin de mettre à profit son expérience avec le DIRHI.

Jean Marie Vianney Ndagijimana, l’un des initiateurs, a expliqué que l’initiative ira jusqu’où le public le portera, chacun devrait se l’approprier et non simplement observer et attendre des résultats. L’initiative ne détient pas de solution miracle, elle est lancée et ira là où les participants voudront bien l’amener ensemble. Le public aura aussi son mot à dire sur l’orientation de l’initiative, il ne peut plus se contenter de donner un chèque en blanc aux leaders et les laisser faire. Les Rwandais ont connu trop de promesses non tenues, la méfiance actuelle est compréhensible mais ne peut être une raison de ne rien faire.

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Le succès de l’initiative dépendra aussi de sa capacité à faire émerger des idées nouvelles et des nouveaux leaders ainsi qu’à intégrer du sang neuf, pour éviter que la discussion ne soit monopolisée par les mêmes organisations ou personnes qui ont occupé la scène ces dernières années. Il est intéressant que le comité soit dirigé par Gilbert Mwenedeta, qui est relativement nouveau sur la scène politique et dont il est attendu qu’il soit sensible à cette question d’intégration d’idées neuves dans ce dialogue.

Pour conclure, le comité a réaffirmé sa vision que pour produire des résultats, l’initiative aura besoin d’être soutenue et accompagnée activement par les Rwandais, c’est-à-dire que le public devra rester vigilant et exigeant à l’égard de ses représentants qui restent malgré tout des citoyens comme les autres. Le changement que les Rwandais souhaitent ne sera possible que si chaque citoyen y met du sien, car il ne peut y avoir de république sans citoyens engagés.

Luc Rugamba
Jambonews.net