Depuis la mise en place d’un confinement total le 21 mars 2020 par les autorités rwandaises pour lutter contre le Covid-19, plusieurs journalistes, youtubeurs et blogueurs ont été arrêtés, une dizaine pour le moment. Si les autorités accusent nombre d’entre eux d’avoir violé les règles du confinement, la population y voit une volonté du régime de Kigali de profiter de la crise de COVID-19 pour se débarrasser des médias indépendants, les seuls qui rapportent en ce moment ce qui se passe dans un pays totalement bouclé.
Le Rwanda est parmi les pays du continent africain ayant mis en place les mesures de confinement les plus drastiques. Dans un pays fréquemment décrit comme une « prison à ciel ouvert », le confinement total imposé par le régime de Kigali depuis le 21 mars a mis la population sous un contrôle et une répression encore plus intenables. C’est dans ce cadre notamment que le 2 avril dernier, dans le district de Nyanza au Sud du pays, la police a abattu par balles deux hommes qui n’avaient pas respecté le confinement.
Depuis le 21 mars, les Rwandais n’ont plus le droit de sortir de chez eux, sauf pour aller faire des courses. La circulation entre les différentes régions du pays est interdite. C’est dans la foulée de ce confinement total qui a soulevé des vives protestations parmi la population que le régime de Kigali, réputé répressif contre la liberté de la presse, a décidé d’arrêter plusieurs journalistes, youtubeurs et blogueurs actifs ces derniers jours, et les seuls à informer sur ce qui se passe dans un pays dans lequel la presse indépendante a pratiquement disparu.
Depuis sept jours, une dizaine de journalistes, blogueurs et youtubeurs ont été arrêtés ou sont portés disparus. Parmi ceux appréhendés figure Dieudonné Niyonsenga alias Cyuma Hassan d’ISHEMA TV. Arrêté ce 15 avril avec son chauffeur, Cyuma Hassan avait récemment couvert des cas de viols, d’actes de torture et de pillages de biens commis par les militaires rwandais au quartier dît « Bannyahe » situé à Kigali.
C’est également lui qui avait rapporté, en mars dernier, la destruction par les autorités d’habitations appartenant aux plus pauvres de Kigali, sans aucune indemnisation, mettant ainsi des familles entières à la rue en pleine crise de COVID-19. En février, le même journaliste avait rapporté avoir remarqué une blessure sur le front du Kizito Mihigo pendant ses funérailles, mettant ainsi à mal la version officielle du régime, qui avait déclaré que Kizito Mihigo, une icône de la lutte pour la réconciliation, s’était suicidé en prison. Des voix concordantes parlaient d’assassinat, tout en exigeant une enquête indépendante.
Cyuma Hassan, qui avait déjà confié à ses collègues de la VOA qu’il était poursuivi, est accusé d’avoir enfreint les règles de confinement en vigueur pour lutter contre le coronavirus. Les journalistes jouissent pourtant de la liberté de circuler dans le cadre de leur travail. D’où les soupçons que le régime de Kigali chercherait à étouffer les quelques rares journalistes, blogueurs et youtubeurs indépendants encore actifs dans le pays.
D’autres journalistes arrêtés sont : Fidèle Komezusenge (ISHEMA TV), David Byiringiro et Innocent Valentin Muhirwa (AFRIMAX TV), Théoneste Nsengimana (UMUBAVU TV), Ivan Mugisha, (correspondant de l’Agence France-Presse), Saul Butera (Bloomberg), John Gahamanyi (New Times). Ces trois derniers, Mugisha, Butera et Gahamanyi ont été libérés ce mercredi 15 Avril.
Arrestations, persécutions, disparitions et même assassinats de journalistes sont monnaie courante au Rwanda dont le Président Paul Kagame figure en bonne place dans le classement des prédateurs de presse établi par Reporters sans Frontières.
Dans son livre Bad news – derniers journalistes sous une dictature, Anjan Sundaram, répertorie sur base d’une enquête de terrain, une liste non exhaustive de 60 journalistes ayant été agressés, emprisonnés, assassinés, ou qui sont portés disparus depuis la prise du pouvoir de Paul Kagame, soit en moyenne, un journaliste tous les quatre mois.
Jean MITARI
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