Le colloque de Paris et le génocide rwandais

Le 9 mars 2020 s’est tenu un colloque à Paris, dans les locaux du sénat français, sur la crise des Grands Lacs. Autour du thème : « L’Afrique des Grands Lacs : 60 ans de tragique instabilité », le colloque a vu la participation des personnalités du monde de la recherche et des politiques. Les échanges ont essentiellement tourné autour des responsabilités dans les drames du génocide au Rwanda et au Congo.

Plusieurs chercheurs et personnalités[1] invités au colloque militent pour l’ouverture d’un débat scientifique sur la crise du Rwanda qui a culminé sur le génocide de 1994. Au sujet du génocide, justement, le chercheur Charles Onana, docteur en sciences politiques, considère que l’histoire officielle du génocide au Rwanda est fausse. C’est une histoire falsifiée. Il est l’auteur de cinq livres sur les crises dans la région des Grands Lacs dont il a rappelé que pas un seul n’a été attaqué en justice.

Son dernier livre, Rwanda, la vérité sur l’opération Turquoise : Quand les archives parlent[2] remet en cause l’histoire officielle du génocide au Rwanda et appelle à l’ouverture d’un débat scientifique sur les responsabilités dans la crise rwandaise.

Judi River, l’autre intervenante, journaliste canadienne, est l’auteur du livre In Praise of Blood, the Crimes of the Rwandan Patriotic Front[3] qui décrit les crimes du Front patriotique rwandais, le mouvement de Paul Kagame qui a pris le pouvoir par les armes à Kigali en juillet 1994. Judi Rever estime qu’il y a eu deux génocides au Rwanda, l’un contre les Tutsi et l’autre contre les Hutu commis par les forces armées fidèles au président rwandais Paul Kagame, au Rwanda-même et au Congo.

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A un mois des cérémonies de commémoration officielle du 26ème anniversaire du génocide, à Kigali, quelques associations proches du régime de Kagame ont milité pour faire annuler le colloque, accusant les participants de révisionnisme. Le président du sénat français, Gérard Larcher, a néanmoins maintenu le colloque en rappelant que des personnalités françaises de premier plan y prenaient part : Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères et les deux anciens ministres français de la Défense : Gérard Longuet et Alain Richard.

Etaient également présents dans la salle, l’historien congolais Isidore Ndaywel, historien, professeur émérite de l’université de Kinshasa, Jean-Marie Vianney Ndagijimana, ancien ambassadeur du Rwanda en France, Helen Epstein, professeure des droits de l’homme au Bard Collège US (États-Unis) mais aussi Martin Fayulu, candidat à l’élection présidentielle de décembre 2018 au Congo, qui a été chaleureusement applaudi par les participants au colloque.

« Peu de sujets sont aussi clivants que le génocide des Tutsi au Rwanda et la politique de la France au Rwanda », a prévenu en ouvrant la réunion le Belge Olivier Lanotte, docteur en science politique, qui appelle à « dépassionner le débat ». « La recherche des responsabilités est un exercice délicat vu la tendance qu’ont certains observateurs d’assimiler trop souvent au négationnisme ceux qui s’engagent sur le terrain miné de la dénonciation des crimes du Front patriotique rwandais », au pouvoir depuis la fin du génocide, a ajouté ce chercheur, auteur de plusieurs ouvrages sur les pays de la région.

Il faut bien admettre que la capacité du pouvoir de Kigali à imposer sa lecture[4] du drame rwandais s’effiloche au fil des années (26 ans déjà) et des crimes dont le régime FPR s’est rendu coupable, au Rwanda-même et au Congo, y compris contre des Tutsi rescapés du génocide. La mort, le 17 février 2020, du chanteur rwandais Kizito Mihigo[5], tutsi et rescapé du génocide, dans une prison de Kigali, a considérablement affecté la légitimité du régime rwandais[6] présenté comme sauveur des Tutsi. Elle s’ajoutait à plusieurs autres persécutions visant des Tutsi comme Léon Mushaidi, tutsi et prisonnier politique au Rwanda, et dont Charles Onana a relayé le martyr durant le colloque de Paris.

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Boniface MUSAVULI

[1] Intervenants : – Professeur Olivier Lanotte, docteur en sciences politiques (Belgique) ; – Pierre Jacquemot, ancien Ambassadeur (France) – Johan Swinnen, ambassadeur honoraire (Belgique), – Timothy Reid, ancien cadre onusien, responsable du désarmement et des droits de l’homme dans la région des Grands Lacs (Canada), – Isidore Ndaywel, historien, professeur émérite de l’université de Kinshasa, – Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères (France), – Judi Rever, journaliste et auteure de l’ouvrage In Praise of Blood, the Crimes of the Rwandan Patriotic Front (Canada), – Charles Onana, docteur en Sciences Politiques (France/Cameroun), – Helen Epstein, professeur droits de l’homme au Bard College US (États-Unis), – Jean-Marie Vianney Ndagijimana, ambassadeur, essayiste, spécialiste des conflits dans la région des Grands Lacs (France/Rwanda). Cf. https://blogs.mediapart.fr/freddy-mulongo/blog/080320/paris-l-afrique-des-grands-lacs-60-ans-de-tragique-instabilite-au-senat-francais