Chers amis, chers lecteurs, je vous remercie tous et toutes pour vos nombreux et magnifiques messages de sympathie, d’affection, de soutien et d’encouragement en ce 18 février. Ils me vont droit au cœur et je ne saurais dissimuler ma joie de constater que beaucoup parmi vous ont réellement compris le sens de mon travail dans la région des grands lacs africains. Quand je commençais ce travail il y a plus de vingt ans maintenant, je ne savais pas que j’y resterais longtemps ni que ce serait si dur et si violent.
Beaucoup ont approuvé mon travail, d’autres, moins nombreux, l’ont désapprouvé. C’est normal. Ils ont leurs raisons. Certains ont cru que je menais une campagne « acharnée », « obsessionnelle », « inappropriée », contre le régime de Kigali… qui aurait fait des « miracles » pour sortir les Rwandais du traumatisme post-génocide. Mes détracteurs n’ont eu de cesse de crier que j’étais pro-Habyarimana, pro-Hutu, pro-français, pro-génocidaires, pro-machettes, pro-je ne sais quoi alors que je n’ai jamais serré ni la main d’Habyarimana ni celle de François Mitterrand. Je n’ai pas perdu d’argent, de biens ni de parents proches au Rwanda. Je n’ai bénéficié d’aucun avantage d’aucune sorte pour faire mon travail et ne suis lié à aucun des pouvoirs qui sèment la mort dans cette région. Apparemment, mon seul crime est d’avoir posé des questions qu’il ne fallait pas poser et dit des choses qu’il ne fallait pas dire.
Mieux, je n’ai jamais participé ni de près ni de loin aux événements tragiques qui se sont déroulés au Rwanda et en République Démocratique du Congo. Mais, j’ai pris le parti de rechercher la vérité sur ces événements malgré tous les obstacles mis sur le chemin de la vérité. En fait, je suis très probablement pro-vérité en ce qu’elle est mon principal intérêt et ce n’est pas bien en général. Je le sais. Je crois que je suis aussi et d’une certaine façons pro-toutes les victimes de cette tragédie, sans distinction des origines ethniques, de religions ni des couleurs de peau et de tous ce qui pourrait caractériser les uns et les autres. Je sais que ça aussi, ce n’est pas bien en général ! Je crois que la vérité est au dessus de tout ça et que c’est pour cela qu’elle n’est pas facile à trouver et qu’on combat violemment celui qui la cherche.
Je n’ai d’ailleurs pas la prétention de l’avoir trouvée après 20 ans de recherches. C’est pour cette raison que je suis surpris de constater qu’au lieu d’apporter des preuves plus solides que les miennes, certains préfèrent seulement m’insulter en me traitant de « négationniste » comme si l’insulte faisait avancer la science et la recherche de la vérité. « Négationniste » le matin, à midi ou le soir fatigue les oreilles et les yeux des lecteurs. Venez avec les preuves, c’est tout !
J’ai toujours cherché à comprendre pourquoi tous ces drames sont survenus dans cette région et j’ai trouvé beaucoup de choses qui avaient été cachées volontairement. Ce sont naturellement ces découvertes faites, année après année, depuis 20 ans qui exaspèrent et agacent certains. J’en suis sincèrement désolé. J’ai appris que la science progresse grâce aux découvertes ! Dois-je donc renoncer à la recherche scientifique et aux découvertes parce que des gardiens du mensonge vont crier au « négationnisme » ? Ils qualifient aussi les chercheurs américains Allan Stam, Christian Davenport et le regretté professeur Edward Herman de « Négationnistes ». Le chercheur britannique Barrie Collins est devenu, lui aussi, « Négationniste » pour avoir remis en cause la version officielle de l’histoire de la tragédie du Rwanda dans une thèse de doctorat. Nous commençons très sérieusement à être nombreux car nos travaux sont contraires à la doxa et échappent à la censure universitaire que Kigali et ses soutiens contrôlent depuis deux décennies.
Toutefois, cette journée du 18 février est à la fois belle et désagréable et je l’aime ainsi. Elle est belle parce que je reçois des messages formidables pour avoir eu une année de plus mais elle est désagréable parce que quelqu’un que j’aimais beaucoup et que j’admirais, pour son exceptionnel courage, son humilité et sa générosité, a été ciblé, persécuté et tué à Kigali. Je veux parler de celui que beaucoup de Rwandais pleurent aujourd’hui : Kizito Mihigo.
Je ne dirai pas ce que nous voulions faire ensemble mais il a reçu tous les messages d’encouragement que je lui avais adressés pendant sa première incarcération. Il considérait que ce que je faisais pour son pays était juste et je pensais, pour ma part, que son combat pour la vérité était également juste. Nous étions loin l’un de l’autre mais nos pensées étaient en phase. Ceux qui ont commis l’irréparable en lui ôtant la vie croient l’avoir réduit au silence pour l’éternité. Erreur ! Ses chansons témoignent désormais pour l’histoire et cela, c’est l’essentiel. Ils croyaient effacer Kizito Mihigo comme ils cherchent, tous les jours, à effacer la vérité. Je crois qu’à travers cet acte contre Kizito, certains peuvent enfin comprendre ce que je tente de mettre en lumière concernant le régime affreux de Kigali.
Emprisonné un chanteur parce qu’il jugeait que tous les Rwandais n’étaient pas traités à égalité dans la narration des événements tragiques de 1994, parce qu’ils pensaient que l’histoire officielle n’était pas exacte et parce qu’il voulait la paix, la vérité, la justice et la réconciliation des cœurs au Rwanda. Mihigo n’était pas un mouton. Il rendait visible ce que le régime s’acharnait à dissimuler et sa popularité n’était pas de nature à lui attirer la sympathie de ce dernier.
Kizito restera dans nos cœurs et dans nos pensées comme le défenseur de la paix, de la vérité et de la justice. J’espérais lui dédicacer et lui remettre, un jour à mains propres, « Rwanda, la vérité sur l’opération Turquoise », ses ennemis n’ont pas voulu voir cette image qui ne saurait correspondre ni à leur vision du Rwanda ni même à celle qu’ils ont de la République Démocratique du Congo.
Mon cher Kizito, ils t’ont insulté, ils t’ont humilié, ils t’ont incarcéré, ils t’ont maltraité et ils t’ont tué… juste parce que tu prônais la vérité, la paix et la justice au Rwanda et au Congo voisin. Dort bien, cher petit-frère, tu as fait ton travail avec humilité, dignité et noblesse ; des qualités que n’ont pas tes bourreaux et qu’ils n’auront jamais !
Charles Onana