« BALKANISATION DE LA RDC » : CHEF DE PROJET, PAUL KAGAME

L’idée de la balkanisation de la RDC n’est pas neuve. Elle est en gestation depuis des années dans les officines des superpuissances qui planchent sur le meilleur moyen d’avoir accès aux ressources naturelles de la RDC.

Elle revient à la Une de l’actualité suite aux événements récents à Beni où la présence des Casques Bleus de l’Onu a été mise en question par des manifestations appelant leur départ vu leur inaction face à la montée de l’insécurité dans cette région.

Le 30 décembre 2019, en séjour dans la ville de Butembo, le cardinal de Kinshasa, Mgr Fridolin Ambongo, a déclaré à la presse que la menace de balkanisation de la République Démocratique du Congo était bien réelle.

Le 4 janvier 2020, les FARDC ont emboîté le pas au prélat. Dans un communiqué signé par le porte-parole de l’armée, le général major Léon-Richard Kasonga, elles  ont appelé la population à la vigilance pour faire échec au projet de balkanisation de la partie Est du territoire national.

La balkanisation du Congo, un projet pluriannuel 

Les observateurs ont encore en mémoire que  le général rwandais James Kabarebe fut chef d’Etat-major de l’armée congolaise en 1997. Il a fallu à Laurent Kabila un sursaut de nationalisme pour se débarrasser de ce conquérant des temps modernes. En 1998, Kabarebe lance une attaque et occupe la localité de Kitona, au Bas-Congo, l’objectif étant de mettre Kinshasa à genoux en détruisant le barrage d’Inga et ainsi plonger la capitale congolaise dans le noir. Il fut stoppé par les armées zimbabwéennes et angolaises venues à la rescousse de Laurent Kabila.

Le Rwanda et ses parrains concepteurs du projet ont rectifié le tir. La formule est connue : saucissonner la difficulté en morcelant l’immense territoire congolais. Les efforts furent  concentrés sur l’Est de la RDC. Depuis lors, les officiers rwandais occupent cette région sans discontinuer jusqu’aujourd’hui : le nord Kivu et sa capitale Goma furent mis à feu et à sang par Laurent Nkunda du CNDP (Congrès National pour la Défense du Peuple) entre 2003 et 2009 ;


Lecture recommandée : Chales Onana, Ces tueurs tutsi au cœur de la tragédie congolaise, Paris, Editions Duboiris, 2009.


au Sud-Kivu, Jules Mutebusei occupa Bukavu en 2004 ; Bosco Ntaganda fit la loi en Ituri et étendit son influence au Nord-Kivu entre 2002 et 2013 ; Sultan Makenga  fonda le M23 (2012-2013) et remplaça Laurent Nkunda exfiltré au Rwanda. La présence de militaires rwandais à l’Est de la RDC a été une constante depuis bientôt deux décennies. Actuellement, selon plusieurs sources, l’armée rwandaises a déversé des bataillons entiers à l’Est de la RDC sous le commandement des généraux Eugène Nkubito et Vincent Gatama. Le succès qu’ils ont engrangés dans le massacre de réfugiés hutu tout au long du mois de novembre 2019  dans la région de Kalehe montre que cette armée opère sur un territoire déjà conquis. C’est tellement flagrant que des soldats rwandais au sol ont été appuyés par des hélicoptères de combat.

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« Balkanisation de la RDC » : un projet « Made in USA »

Dans la foulée des deux guerres du Congo (1996-1998), un pan de ce plan d’ invasion a été  dévoilé par des éminences grises américaines.

Dans un rapport célèbre publié le 05/6/1996 par Steven Metz, professeur à l’U.S Army War College et intitulé « Reform, conflict and security in Zaire », il y transparaît que la partition de la RD-Congo est, à la longue, inévitable. Pour ce chercheur, « au cas où une telle ‘‘désintégration’’ du pays se produirait, les Etats-Unis n’auraient pratiquement pas d’autre choix que d’accepter tous les Etats nouveaux qui émergeraient du Zaïre. Ils pourraient offrir du soutien diplomatique pour réduire au minimum la violence qui accompagnerait cette désintégration nationale et ils devraient ouvrir des canaux de communication avec les nouveaux Etats ». Pour Steven Metz, au lieu d’assister à la faillite de l’Etat central embourbé dans l’impasse et la corruption, incapable de se réformer, autant soutenir une province séparatiste clairement attaché à la démocratie.

photo/www.endingextremepoverty.org/

Le 8 juin 1999, Marina Ottaway, co-directrice du projet « Démocratie et Etat de Droit », fit un témoignage devant la sous-commission de l’Afrique du Sénat américain, dans lequel elle évoque, elle aussi,  la partition éventuelle de certains Etats africains, dont le Congo  : « Aussi longtemps que le vide du pouvoir continue au Congo, d’autres pays vont continuer à intervenir directement pour soutenir des insurrections armées et sauvegarder leurs propres intérêts. […] Toute solution imposée par des non Africains exigera une présence étrangère massive pour être appliquée. Les intentions peuvent être louables, mais des interventions pour une partition du territoire africain et pour la création de nouvelles entités politiques et institutions, placeraient les Etats-Unis et d’autres puissances étrangères dans un rôle colonial. Ce qui n’est pas une décision à prendre à la légère. L’alternative, que je crois être plus appropriée pour le moment, est de laisser les pays africains trouver leurs propres solutions. Inévitablement, cela comprendra une continuation des combats internes et entre Etats et probablement la division de certains pays avant d’arriver à une nouvelle stabilité. Ce n’est pas une perspective réjouissante, mais il n’y a pas d’alternatives réalistes ».

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Le 18 mars 2009, deux sommités, Jeffrey Herbst et Greg Mills, ont publié, dans le magazine « Foreign Policy » sous la rubrique de « Failed States » (des Etats en faillite), un article au titre bien évocateur : «There is No Congo » (le Congo n’existe pas) . Après une bonne démonstration, ils en arrivent à la conclusion que « le concept même d’un État congolais a perdu son utilité ».

Le 11 février 2013, dans une intervention devant le Brookings Institute de Washington, le Sous-secrétaire d’Etat américain aux Affaires africaines, Johnnie Carson, s’est lâché et a clairement indiqué que la solution pour ramener la paix en RDC devra emprunter les schémas de l’ex-Yougoslavie ou du Soudan, voulant dire par là que la balkanisation de ce pays était un passage obligé.

Johnnie Carson/photo RFI

L’Ambassadeur Johnnie Carson sait de quoi il parle. En effet il fut, de 1991 à 1994, ambassadeur des Etats-Unis à Kampala et à ce titre, il a accompagné la consolidation du pouvoir de Yoweri Museveni en Ouganda, l’invasion du Rwanda par les éléments tutsi de l’armée ougandaise et finalement la conquête totale du Rwanda par ceux-ci en 1994. Il a non seulement couvert cette violation flagrante de la paix internationale par un état membre de l’ONU mais a appelé également son gouvernement à soutenir cette conquête. Il n’a pas quitté la région puisque de 1999 à 2003, il était ambassadeur au Kenya, d’où il pilotait les invasions successives de la RDC et la poursuite de la partition du Soudan. L’on se souviendra que Yoweri Museveni avait, dans son cahier de charge en conquérant l’Ouganda, l’obligation de tout faire pour détacher le Sud-Soudan du reste du pays. Il s’y est employé de toutes ses forces sous la supervision des USA en soutenant John Garang qui hélas !  mourra avant la réalisation de ce « rêve américain ». Ce sera chose faite en 2011. Les troupes rwandaises y sont déployées en force. Et pour cause !

Museveni ayant accompli sa tâche, il incombe désormais à Kagame d’accomplir la sienne, à savoir favoriser la sécession des provinces du Kivu de la RDC. C’est ce qui est en train de se réaliser mais que l’ambassadeur Johnnie Carson tenait à rappeler devant le Brookings Insitute, avant de quitter ses fonctions.

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The Brookings Institution : la boîte à idées des démocrates

C’est devant The Brookings Institution que Johnnie Carson est allé présenter son plan de sortie de crise en RDC. Hasard ou coïncidence ? La très célèbre think tank (boite à idées) américaine est le creuset de toutes les théories montées dans les milieux universitaires et politiques des Etats-Unis, pour soutenir ou laisser tomber un pays dans le monde. Le clan Clinton y a fait ses premiers pas.

Illustration. C’est au sein de The Brookings Institution qu’il a été conçu l’idée selon laquelle la gouvernance et le respect des droits humains sont absents dans plusieurs pays africains qui se distinguent par leur étendue géographique et la densité démographique de leurs populations. Pour cette institution proche du parti démocrate, plus un pays est grand, plus il est difficile à gouverner. D’où, la conviction que seuls les petits Etats en Afrique peuvent être bien gouvernés.

Prenant le cas de la RDC, The Brookings Institution soutient que l’immensité de son territoire serait à la base des problèmes de gouvernance et autres conflits politiques qui secouent le pays. La solution, selon cette boite à idées, consisterait à le morceler en de petits Etats faciles à gouverner.

Paul Kagame, chef de projet « Balkanisatisation du Congo »

Qu’on le veuille ou non, Paul Kagame est en train d’être utilisé pour favoriser l’éclatement du Congo car selon les « cerveaux de Washington », la géante RDC tel qu’elle se présente actuellement, est ingouvernable et surtout pas par des « africains ordinaires ». Tout comme les USA ont réussi à morceler le Soudan par Yoweri Museveni interposé, ils comptent faire de même en utilisant Paul Kagamé du Rwanda.

Les Congolais devraient déjà penser à comment gérer cet après-éclatement au lieu de se perdre dans des conjectures stériles car on l’a constaté, les desseins de « l’Uncle Sam » se réalisent même à long terme.

Politiquement, Paul Kagame a encore de beaux jours au pouvoir car en tant que chef de projet « Balkanisation de la RDC », les pays anglo-saxons continueront de le soutenir pour qu’il reste place. C’est dans ce cadre que les grandes puissances ont fermé les yeux quand il a changé la constitution de telle sorte qu’il reste au pouvoir jusqu’en 2034, pour se donner suffisamment de temps pour mener à terme ce projet.

Gaspard Musabyimana