La vidéo de Vital Kamerhe (VK) saluant chaleureusement son « grand-frère » James Kabarebe (ancien ministre rwandais de la Défense et actuellement conseiller de Paul Kagame) et offrant au fils de ce dernier, Sanday Kabarebe, 30 vaches comme cadeau de mariage a choqué un grand nombre de Congolais à travers le monde. Si pour les pourfendeurs de VK cette image est la preuve que le directeur de cabinet de Félix Tshisekedi roule en sous-main pour le Rwanda, à défaut d’être lui-même Rwandais, pour les partisans de l’UNC et autres supporters de celui-ci, elle ne veut rien dire du tout. Ceux-ci rappellent à qui veut l’entendre que leur « champion » a été « viré » de l’Assemblée nationale en 2009 parce qu’il a dénoncé l’entrée des troupes rwandaises sur le territoire congolais dans le cadre de l’opération Umoja Wetu décidée secrètement par la Kabilie et le régime de Paul Kagame. L’argument fait mouche, mais qu’en est-il en réalité ?
S’il est vrai que Vital Kamerhe s’est dit surpris par l’entrée des troupes rwandaises sur le sol congolais et a critiqué cela, il est cependant faux d’affirmer qu’il a été poussé à la porte par Joseph Kabila à cause de ses critiques. Les choses sont plus complexes que ça…
En fait, Vital Kamerhe n’a jamais été hostile à une opération conjointe avec les Rwandais. Ce qu’il a reproché à ses alliés du PPRD, c’est une opération « mal ficelée » qui aurait pu conduire inutilement à des pertes de vies étant donné que les FDLR, selon lui, s’étaient infiltrés dans la population. Avez-vous compris la nuance ?
Pour Vital Kamerhe, la RDC devait continuer à négocier avec le Rwanda comme elle faisait déjà à bas bruit. À l’époque, les ministres des Affaires étrangères du Rwanda et de la RDC se rencontraient fréquemment loin des regards indiscrets. Kamerhe en était informé. Tout comme il savait qu’une opération conjointe entre le Rwanda et la RDC était en préparation, contrairement à ce qu’il a souvent laissé croire.
Il convient par ailleurs de souligner que Vital Kamerhe a toujours été favorable à un rapprochement avec le Rwanda et l’Ouganda, et il a toujours milité pour des négociations avec leurs marionnettes du RCD-Goma, puis du CNDP. Fait non négligeable: Il est l’auteur de l’article V de l’Accord de Lusaka portant sur les « les négociations politiques inter-congolaises devant aboutir à la mise en place d’un nouvel ordre politique ». Autrement dit l’article qui a permis aux agresseurs du RCD-Goma et alliés d’être mis sur le même pied d’égalité que le gouvernement congolais, comme le voulaient les pays occidentaux et leurs proxys rwando-ougandais. L’introduction de cet article avait à l’époque suscité la colère de Laurent-Désiré Kabila qui n’avait pas hésité à traiter Vital Kamerhe de « traitre ». Après la mort de Mzee, Kamerhe a conseillé à Joseph Kabila (qui fricotait déjà avec Kigali en secret) de négocier directement avec Paul Kagame et Yoweri Museveni. De ces négociations naîtra l’Accord de Sun-City. Les observateurs avisés savent pertinemment bien que l’avenir du Congo a été scellé à Lusaka, puis à Sun-City. Avec Vital Kamerhe à la manœuvre…
Jusqu’à l’entrée des troupes rwandaises sur le territoire congolais en 2009, Vital Kamerhe était sur la même longueur d’onde que Joseph Kabila. S’il a critiqué l’opération Umoja Wetu, c’est parce qu’à ses yeux elle était mal « ficelée » et non parce que les troupes rwandaises étaient de nouveau sur le territoire congolais. Contrairement à ce qui se dit souvent, sa rupture avec le PPRD ne résulte pas vraiment de cette affaire, mais de sa rivalité avec feu Katumba Mwanke. Ce dernier avait juré d’avoir la tête de VK, et il a profité des critiques émises par ce dernier au sujet de l’opération militaire conjointe pour demander à Joseph Kabila de le faire sauter de son poste de Président de l’Assemblée Nationale. Au sein du PPRD, beaucoup n’avaient pas apprécié cela. Et malgré la démission de VK et son passage à l’opposition, ce dernier a gardé des canaux de communication avec Joseph Kabila et le Rwanda, où vivent certains membres de sa famille élargie. Le discours qu’il a prononcé à l’occasion du mariage de Sanday Kabarebe a surpris plus d’un Congolais, mais ceux qui connaissent bien le “Kamerheon” n’ont pas été surpris. Comme l’ont fait remarquer plusieurs diplomates en poste à Kinshasa et certains de ses anciens proches collaborateurs, cet homme n’inspire pas confiance. Pour ceux qui l’auraient peut-être oublié, l’ancien vice-Président de la CENI, Norbert Basengezi, citoyen rwandais congolisé, a été son parrain de mariage il y a peu. C’est dire…
Par Patrick Mbeko