Rwanda, non-lieu validé pour le père Wenceslas Munyeshyaka

La Cour de cassation de Paris a validé l’ordonnance de non-lieu prononcée en faveur d’un prêtre rwandais soupçonné de crime de génocide, que La Croix a pu consulter. Cet arrêt met un terme définitif à la procédure judiciaire lancée par le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) et la FIDH au nom de rescapés de la Sainte Famille où exerçait le père au printemps 1994.

► Qui est le père Wenceslas Munyeshyaka ?

Il était le premier Rwandais résidant en France contre qui, dès 1995, une plainte avait été déposée pour sa participation présumée au génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda. De père hutu et de mère tutsi, il a été le vicaire de la paroisse de la Sainte-Famille à Kigali où s’étaient réfugiés des milliers de déplacés tutsi et hutu au printemps 1994. Il a été accusé par des rescapés d’être proche des génocidaires, d’avoir commis des viols sur des réfugiées, livré des tutsis aux tueurs et pris part à des exécutions. Pendant cette période, le vicaire était armé d’un pistolet et portait un gilet par balles.

Le père Wenceslas Munyeshyaka a trouvé refuge en France en septembre 1994 grâce à l’action conjointe des Pères blancs et de Mgr David, alors évêque de La Rochelle et président du comité épiscopal pour la solidarité. Dans un entretien donné à La Croix en 1995, le père François Richard, le provincial des Pères blancs expliquait que c’est l’administrateur apostolique de Kigali qui les avait sollicités pour le faire venir dans l’hexagone car sa vie était menacée. « Il faut aider ce prêtre qui a beaucoup fait pour sauver autant des Tutsi que des Hutu. Il se trouvait entre les deux groupes et s’est fait des ennemis dans les deux camps », lui ont confirmé ses confrères, de retour du Rwanda.

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Après avoir été prêtre dans le diocèse de Viviers en Ardèche, le père Munyeshyaka est, depuis 2001, prêtre dans la paroisse de Gisors (Eure). Il a toujours été soutenu par ses évêques et par des paroissiens de Gisors qui voient en lui un bon pasteur.

► Que répond-il à ces accusations ?

S’il a toujours réfuté ces accusations, expliquant au contraire avoir tout fait pour sauver des vies et éviter que les deux communautés s’entretuent à la Sainte-Famille, il a admis cependant avoir porté ce gilet par balles et un pistolet 9 mm « pour se protéger ». « C’était dissuasif », comme il le confiait à La Croix en 1995. Dans le même entretien, il expliquait que « les rapports qui l’accusent ne sont pas crédibles car les témoignages recueillis sur place subissent la pression du pouvoir FPR ».

► Quel est le verdict de la justice française ?

Le 15 octobre 2015, les juges du pôle génocide du tribunal de grande instance (TGI) de Paris ont prononcé une ordonnance de non-lieu en sa faveur. Pourquoi ? Ils ont établi l’ambiguïté du comportement du père Munyeshyaka à la Sainte-Famille sans la possibilité de découvrir un acte substantiel pour le déférer devant la Cour d’assises. En quoi était-il ambigu ? « Il célébrait la messe avec son pistolet à la ceinture, il usait d’un vocabulaire très désagréable à l’encontre des Tutsi et avec les Interahamwe, il apparaissait trop complaisant », explique maître Gilles Paruelle, l’avocat de deux plaignants.

Sur la question des viols, les juges ont cru une plaignante. Ils n’ont pas douté de sa sincérité mais devant une cour de justice, le trop grand nombre de contradictions relevées dans son témoignage l’aurait rendu irrecevable, explique un proche du dossier.

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Faute de charges suffisantes, donc, il n’y avait pas de raisons de le traduire devant une cour d’assises pour être jugé de crime de génocide. Un non-lieu confirmé par la cour d’appel de Paris, le 21 juin 2018. « Elle a été moins sévère pour le père Munyeshyaka. Dans leur motivation, les juges ont rappelé qu’il avait sauvé des milliers de personnes, Hutu et Tutsi. Et que sur les 3 000 Tutsi qui sont passés dans la paroisse, il n’y a eu que deux cents morts : les autres ont été sauvés grâce à lui », précise Gilles Paruelle.

► Est-il sous le coup d’une autre procédure judiciaire ?

En 2006, il a été condamné par contumace à la prison à perpétuité pour crime de génocide par la justice rwandaise. En 2007, le tribunal international pour le Rwanda (TPIR) avait lancé contre lui un mandat d’arrêt international, pour les chefs de génocide, viol, extermination, assassinat et crime contre l’humanité. La France, refusant de l’extrader en application de la loi sur la présomption d’innocence, avait en revanche répondu favorablement à la demande du TPIR de le juger elle-même.

Une procédure qui vient donc de s’achever avec la confirmation de l’ordonnance de non-lieu rendue par la Cour de cassation. « Au regard de la gravité des faits reprochés, des éléments et des témoignages aussi nombreux, la moindre des choses aurait été qu’il soit entendu devant un tribunal », regrette Gilles Paruelle.

Source: https://www.la-croix.com/