Rwanda : Richard Sezibera ou le syndrome Ali Bongo

Il y a presque un an, le président gabonais Ali Bongo a eu un AVC lors d’un voyage officiel en Arabie Saoudite[1]. En absence de toute communication, il s’en est suivi plusieurs spéculations, certains annonçant même son décès. Si avoir un AVC ou un problème médical est commun à tous les mortels, c’est la communication sur un tel évènement qui est délicate. Ça l’est encore plus lorsque la personne concernée est une personnalité publique, voire un chef d’Etat comme Ali Bongo.

Au Rwanda et depuis 2 mois, le ministre des Affaires étrangères, l’ambassadeur Richard Sezibera a disparu de la sphère publique. De plus, lui qui était régulièrement présent sur les réseaux sociaux y a disparu durant quasiment 1 mois et demi entre le 14 juillet 2019 et le 31 août 2019. 

En effet, la dernière apparition publique de Richard Sezibera remonte au vendredi 12 juillet 2019, lorsqu’il était en mission officielle en Angola, où il accompagnait le Président rwandais Paul Kagame. Ils assistaient à un sommet visant à aplanir les tensions entre le Rwanda et l’Ouganda[2].

Comme dans le cas du Président Ali Bongo, plusieurs spéculations vont bon train, tandis que les autorités rwandaises restent totalement silencieuses. 

Le but de cet article est de décrypter cette affaire, comprendre ses enjeux et au-delà, s’interroger sur les difficultés des Etats, en particulier africains, à gérer le sujet sensible et tabou de la maladie d’un dirigeant.

Sans entrer dans le champ privé, voire le secret médical, il est important de communiquer, d’informer l’opinion publique lorsqu’une personne qui exerce des fonctions publiques d’un tel rang se trouve dans une situation qui l’empêche de les exercer pleinement, ne fut-ce que temporairement.

Pourquoi l’affaire Richard Sezibera

L’affaire Sezibera est intéressante et attire l’attention pour deux raisons. La première est la personnalité de Monsieur Sezibera lui-même et sa place dans le dispositif du FPR. La deuxième est le caractère important du ministère des Affaires étrangères qu’il dirige.

Il est fort probable que si un autre membre du gouvernement rwandais occupant un ministère de moindre envergure avait été dans le même cas que Sezibera, personne n’en aurait parlé.

L’homme Sezibera

Richard Sezibera est un homme politique rwandais né en 1964. Il a grandi au Burundi, puis en Ouganda où il a fait ses études de médecine à la célèbre université de Makerere. C’est un jeune médecin qui, à 26 ans, a rejoint la rébellion du FPR en 1990 à l’insu de ses parents[3]. Sur le front, il était en charge des soins des soldats. En 1993, pour donner suite aux accords d’Arusha prévoyant l’intégration des soldats de l’Armée Patriotique Rwandais (APR) au sein de l’armée régulière, l’APR aligna les grades de ses soldats aux standards internationaux. Ainsi, le Dr Richard Sezibera fut promu au grade de Major[4]comme la plupart des médecins qui avaient rejoint l’APR : le Dr Théogène Rudasingwa, le Dr Emmanuel Ndahiro ou encore le Dr Richard Masozera.

A la prise du pouvoir par le FPR, le Major Sezibera fut député représentant l’APR à l’Assemblée nationale de transition en 1995.

En 1997, il était porte-parole de l’APR. A ce titre, il était en première ligne dans les opérations contre les infiltrés abacengezi. Les images de l’agence américaine Associated Press prises le 8 décembre 1997 dans l’ancienne commune de Kanama à Gisenyi, le montre devant les fameuses grottes de Nyakimana où plusieurs milliers de civils furent décimés par les troupes de l’APR[5],[6],.

De 1999 à 2003, Sezibera fut promu ambassadeur du Rwanda aux USA, en remplacement du Major Dr Théogène Rudasingwa qui venait d’être nommé directeur de cabinet de Paul Kagame.

C’est à ce titre que Richard Sezibera était aux côtés de Paul Kagame lors de sa première visite et réception dans le bureau ovale du président Bush, le 4 mars 2003. En plus du Dr Muligande, ministre des Affaires étrangères, d’autres militaires à l’époque encore proches de Kagame comme le Colonel Patrick Karegeya, le Lieutenant-Colonel Emmanuel Ndahiro et le Major Théogène Rudasingwa étaient dans le bureau ovale[7].

Prenant encore du poids dans le dispositif du Président Kagame, Sezibera fut nommé son envoyé spécial dans la région des Grands Lacs de 2003 à 2008. A l’époque, cette région était une poudrière. L’armée rwandaise était encore très présente en RDC et sur ce dossier des Grands Lacs, Sezibera semblait avoir le dessus sur le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Charles Muligande[8].

En 2008 Sezibera fut nommé au gouvernement comme ministre de la Santé jusqu’en mars 2011 où il fut nommé au poste de Secrétaire Général (SG) de l’East African Community (EAC) pour une période de 5 ans.

En mars 2016, àla fin de ce mandat au SG de l’EAC, son retour au Rwanda fut discret comparativement à la position qu’il venait de quitter. Non seulement aucun poste ne lui fut proposé dans l’immédiat, mais aussi le 8 juillet 2016, il fut mis à la retraite au sein de l’armée rwandaise (Rwanda Defence Forces – RDF)[9].

Il faudra attendre le décès inopiné du sénateur Mucyo, survenu le 3 octobre 2016, pour que Richard Sezibera soit proposé par le FPR comme son remplaçant et « élu » par le collège électoral de la province du Sud le 1erdécembre 2016[10].

Avec le départ programmé de Louise Mushikiwabo pour occuper le poste de Secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), il ne serait pas faux d’affirmer que Richard Sezibera n’était pas le plus attendu comme remplaçant de Madame Mushikiwabo, au poste stratégique de ministre des Affaires étrangères du Rwanda.

Le MINAFFET, un ministère clé dans le dispositif de Paul Kagame

Au Rwanda, le ministère des Affaires étrangères est abrégé en MINAFFET. Si à travers ses missions, ce ministère est qualifié de régalien dans plusieurs pays, il l’est encore d’avantage au Rwanda que dirige le Président Kagame.

Ce n’est pas un hasard si une fois devenu président du Rwanda en avril 2000, Paul Kagame a fait le choix de nommer à la tête de ce ministère les personnes qui ont sa confiance totale et n’a plus fait exercer de contrôle de ce ministère à travers des secrétaires généraux issus du FPR.

En effet depuis l’avènement du multipartisme et la désignation du 1ergouvernement multipartite le 16 avril 1992, le Minaffet était géré par le principal parti de l’opposition, le MDR (Mouvement démocratique républicain). C’était suite au protocole d’entente sur le gouvernement de transition entre le président Habyarimana et les principaux partis d’opposition de l’époque, en avril 1992.

Il est de notoriété publique que le Président Habyarimana ne s’entendait pas avec les ministres des Affaires étrangères issus du MDR (Boniface Ngulinzira et Anastase Gasana) qui ont dirigé ce ministère entre 1992 et 1994. Dans ses derniers voyages officiels, Habyarimana voyageait plus avec son conseiller diplomatique Juvénal Renzaho (décédé avec lui dans l’attentat contre l’avion présidentiel du 6 avril 1994), qu’avec son ministre des Affaires étrangères.

En juillet 1994, à la prise du pouvoir par le FPR, le premier à occuper ce poste fut l’ambassadeur Jean-Marie-Vianney Ndagijimana, non affilié au FPR et qui démissionna quelques semaines seulement après sa nomination. Le MDR garda le contrôle (relatif) sur le Minaffet jusqu’en 1999, Gasana Anastase, aujourd’hui en exil à l’instar de son prédécesseur, ayant été le détenteur du poste.

Le Minaffet fut ensuite géré jusqu’en 2000 par un membre du PSD, Augustin Iyamuremye, puis par un membre du PDI (Parti démocrate islamique) Monsieur Bumaya André. A noter que l’ambassadeur Amri Sued Ismaël avait dirigé brièvement ce ministère entre le 8 février 1999 au 7 juillet 1999[11].

Charles Muligande, alors Secrétaire général du FPR, fut nommé ministre des Affaires étrangères le 15 novembre 2012 et depuis ce jour aucun autre parti associé au FPR n’a dirigé ce ministère. De temps à autres, un secrétaire d’état issu de ces partis y est nommé comme le fut Protais Mitali Kabanda du Parti Libéral (PL) ou actuellement Olivier Nduhungirehe du Parti Social-démocrate (PSD).

Le président Paul Kagame est un homme du renseignement et il en maitrise tous les contours.

Le président Kagame, a besoin de savoir ce qui se passe chez ses collaborateurs ou ses adversaires. Peu importe que les informations qu’il reçoit soient des rumeurs ou non. Paul Kagame questionne et remet en cause tout ce qu’il lui est dit. Pour s’en rendre compte, il faut regarder la multitude de vidéos en ligne où Paul Kagame malmène ses collaborateurs, en retraite annuelle des dirigeants ou devant les administrés lors de ses déplacements en province.

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Son pouvoir est bâti sur l’information, qu’elle concerne les Rwandais vivant à l’intérieur du pays ou ceux vivant à l’extérieur où se trouve le plus grand nombre d’opposants.

Dans cette perspective, le ministère des Affaires étrangères est primordial. Il est à la tête d’un réseau d’ambassades du Rwanda à l’extérieur, que le Rwanda continue d’ouvrir. Ces ambassades constituent le point de contact entre le pouvoir de Kigali et ses ressortissants. Le Rwanda étant un petit pays, généralement beaucoup de Rwandais se connaissent soit directement, soit par d’autres connaissances. Le Rwanda est souverain dans les limites de ses frontières. Au-delà de ses frontières, toute activité de renseignement, espionnage de ses ressortissants entre dans le domaine de l’illégalité. Les ambassades offrent une opportunité au régime d’en savoir plus sur les Rwandais expatriés sous couvert d’un cadre légal.

Depuis 10 ans s’est formée la structure de diaspora. Au départ, ce qui devait être un regroupement d’associations représentant des Rwandais dans chaque pays s’est retrouvée en une seule structure, la diaspora rwandaise, et gérée depuis le ministère des Affaires étrangères à Kigali. Personne ne peut diriger la diaspora rwandaise, tant sur le plan global qu’en déclinaison local, sans l’onction du Minaffet.

Le personnel diplomatique rwandais est en effectif réduit comparé à celui des pays généralement développés. Il ne peut pas être déployé partout surtout pour les pays dont l’ambassade a comme juridiction sont vastes ou abritent un nombre important de ressortissants rwandais. Il est donc important d’avoir au sein des ambassades des personnes de confiances issus du FPR ou qui comprennent et acceptent son fonctionnement, afin qu’ils puissent servir de relais sur et passer auprès des ressortissants rwandais des messages de toutes sortes.

Ainsi, les membres de la diaspora sont scrutés au niveau de leur pedigree. Si besoin, certains membres ou candidats membres sont parfois invités à prêter serment au sein du FPR. Ceux qui sont concernés par cette prestation de serment sont ceux qui n’ont pas de liens historiques (eux-mêmes ou à travers leurs familles biologiques) avec le FPR. Ce qui est intéressant est que les ambassades recrutent jusque dans les rangs de ceux qui ont fui le FPR et qui ont le statut de réfugiés. Toutes les méthodes, la carotte ou le bâton, sont utilisés. La majorité succombant à la première méthode (dossiers accusateurs gelés ou avantages en nature…)

Autre atout des ambassades, en particulier au sein du personnel accrédité, c’est l’immunité diplomatique, que ça soit sur le personnel ou le courrier (la fameuse valise diplomatique). Sous le régime du FPR, la plupart des premiers conseillers d’ambassade ou des premiers secrétaires d’ambassade sont des agents de renseignements.

Le Rwanda ne se prive pas de ces possibilités en or pour pouvoir traquer les opposants à l’extérieur et mener contre eux des actions subversives. Depuis la prise du pouvoir par le FPR, plusieurs diplomates ont ainsi été expulsés ou leur accréditation diplomatique non renouvelée par plusieurs pays étrangers en raison de ces activités subversives allant jusqu’aux assassinats en territoires étrangers. Ces activités subversives ont été récemment documentées en Belgique et en Australie. En effet deux enquêtes menées indépendamment en 2019 ont montré à quel point les ambassades rwandaises en Belgique et au Singapour (juridiction sur l’Australie) sont utilisées pour des opérations de renseignements et de traque des opposants au pouvoir de Kagame[12][13].

La disparition dans l’espace public de Sezibera 

Une fois nommé ministre des Affaires étrangères, Richard Sezibera a commencé par détonner : Lors de sa première conférence de presse, Il a feint d’ignorer ce qu’était la coalition P5 (alliances des 5 partis d’opposition Ihuriro RNC, FDU Inkingi, PDP Imanzi, Amahoro People Congress et PS Imberakuri). Ce qui était en parfaite contradiction avec le discours habituel de Kigali de s’opposer à ces partis en particulier, le RNC.

Finalement, peu de temps après il est rentré dans le moule et fut le premier à annoncer la capture du chef rebelle, le Major Calixte Sankara qui avait revendiqué les attaques de son mouvement au départ de la forêt de Nyungwe.

Sezibera était aussi en pointe, lorsque le gouvernement rwandais a fait une tournée « Visit Rwanda » aux côtés des diplomates accrédités à Kigali au mois de Mai 2019. Cette tournée visait à redorer l’image du Rwanda à la suite des avis défavorables que plusieurs pays occidentaux avaient émis sur la sécurité du Rwanda, déconseillant ainsi à leurs ressortissants de s’y rendre.

Tout en apparence semblait bien aller pour ce ministre jusqu’aux premières nouvelles annonçant ou s’inquiétant de son absence publique. Mais pour les connaisseurs du Rwanda, il faut toujours se méfier des apparences surtout celles affichées par les dirigeants d’un des régimes les plus occultes de la planète.

C’est justement à travers la radio Itahuka, radio du parti d’opposition RNC que fut évoqué dans l’émission du 19 juillet 2019 que la vie d’un des hauts dirigeants rwandais serait en danger. C’est Jean-Paul Turayishimiye, animateur dans cette émission et porte-parole du RNC, qui annonça avoir reçu cette information de la part d’un contact dans le système au pouvoir au Rwanda. Jean-Paul Turayishimiye termina en s’excusant qu’il n’avait pas encore vérifié cette information à 100%[14].

Ce n’est que le 26 Juillet 2019 que le journaliste a annoncé pour la première fois, d’après les informations reçues de ses contacts, que Richard Sezibera aurait été empoisonné sur instruction de Paul Kagame. Selon Turayishimiye, Richard Sezibera aurait été empoisonné au cours d’un voyage officiel en Allemagne et en Grande Bretagne car il n’était pas possible de le faire au Rwanda, le Dr Sezibera y prenant beaucoup de précautions. Toujours selon Turayishimiye, le Dr Sezibera de retour de ce voyage en Allemagne, en France et en Grande Bretagne aurait eu subitement des problèmes de santé inattendus qui auraient été qualifiés d’AVC[15]. Le journaliste, précisant aussitôt ne pas être en mesure d’authentifier ces informations.

En revanche il confirmait le 26 Juillet 2019 que Sezibera n’avait plus mis les pieds au ministère qu’il dirige depuis son retour de ce fameux voyage en Europe.

Ce qui est aussi sûr c’est que Richard Sezibera était en voyage officiel à Luanda avec Paul Kagame, le 12 juillet 2019.

Il s’en est suivi plusieurs spéculations, certains confirmant cette information, d’autres la réfutant totalement. D’autres prudents, mettent la non apparition en public du Dr Sezibera au fait qu’il pouvait être en vacances. Ce qui ne serait pas illogique en juillet.

Evidemment, aucune communication officielle n’est venue démentir, ni confirmer ou indiquer où serait le Dr Sezibera.

Pour la presse rwandaise (celle à l’intérieur du Rwanda), ce fut un non-évènement ou plus exactement, un sujet tabou. Aucun journal n’a questionné ou posé la moindre question concernant le sort de Sezibera. Le journal ougandais en ligne Command1post, évoqua l’admission de Sezibera dans un hôpital kenyan et ce en conditions critiques[16].

Finalement, les discussions sur la disparition ou empoisonnement de Sezibera ont fini par tomber dans les joutes habituelles entre anti et pro régimes du FPR sur les réseaux sociaux.

L’affaire fut relancée le lundi 12 août 2019 par le journal Jeune Afrique. Pour les connaisseurs de l’actualité du Rwanda, Jeune Afrique est un journal les articles servent souvent de caisse de résonnance du FPR. Un des rédacteurs en chef de Jeune Afrique, François Soudan, est ainsi l’interviewer attitré du Président Kagame. C’est souvent à travers ce journal très lu dans les pays d’Afrique francophone que Paul Kagame passe ses messages, y compris acerbes quand ils sont destinés à la France.

L’article de Jeune Afrique du 12 août 2019 sur la santé de Richard Sezibera est tout sauf un hasard et n’a pas pu se faire sans le consentement du Village Urugwiro (siège de la présidence rwandaise).

Pour la première fois, les soucis de santé de Sezibera sont confirmés par une autre source qui n’est pas rwandaise. A en croire Jeune Afrique : «…Richard Sezibera a bel et bien été hospitalisé à Nairobi et serait actuellement en convalescence, sans que son état de santé ne soit préoccupant. Aucune date n’a encore été précisée pour son retour au ministère mais le scénario évoqué par les médias ougandais est catégoriquement démenti par plusieurs sources officielles à Kigali, lesquelles soupçonnent le RNC d’être à l’origine de la rumeur. »[17].

Comme attendu, les spéculations sur Sezibera vont s’amplifier de nouveau, certains comme Rugema Kayumba, l’activiste et opposant de Paul Kagame et neveu du Général Kayumba Nyamwasa, allant jusqu’à annoncer son décès sur le réseau social Facebook. Ces rumeurs iront crescendo le 14 août 2019, lorsque le ministère des Affaires étrangères annonce le report sine die du Rwanda Day prévu en Allemagne en Allemagne. Ceci d’autant plus que le communiqué est signé par l’adjoint de Sezibera, le secrétaire d’Etat Olivier Nduhungirehe.

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Qui en voudrait à Richard Sezibera ?

Une des spéculations est que le Dr Sezibera aurait été empoisonné. Le journal ougandais Command1Post est plus précis. Sezibera aurait été empoisonné à l’ambassade du Rwanda à Londres par un certain Jimmy Uwizeye, un espion rwandais sous couvert de statut diplomatique[18]. Il est évident qu’il est impossible d’avoir la certitude dans ces affaires impliquant les espions, pas seulement au Rwanda mais y compris dans des pays occidentaux.

Ainsi, la question est de savoir pourquoi le pouvoir rwandais chercherait à éliminer un de ses cadres, d’autant plus sur un territoire étranger.

Si la question peut être incongrue, le pouvoir rwandais, à commencer par le président Kagame revendique toujours le devoir d’éliminer ceux qui sont considérés comme « traitres », peu importe où ils se trouvent surtout s’ils travaillent ou ont travaillé pour le régime. Nul besoin d’évoquer l’assassinat de Patrick Karegeya où les tentatives d’assassinat sur le général dissident Kayumba Nyamwasa.

Depuis sa nomination en octobre 2018, le Dr Sezibera a voulu imposer un nouveau style diplomatique et moins agressif que celui précédemment incarné par le tandem Mushikiwabo-Nduhungirehe. Selon l’équipe de bloggeurs « Robert Patrick Fati Gakwerere » plus connu sous le nom de « RPF Gakwerere » et qui revendique publier des informations venant de sources proches du régime, Richard Sezibera a entrepris des initiatives qui n’auraient pas plu au président Kagame[19]. Sezibera avait entrepris la normalisation des relations entre le Rwanda et l’Afrique du Sud à travers son homologue de l’époque Madame Lindiwe Sissulu. Mais les efforts déployés par Sezibera ont été anéantis lorsque le journal rwandais et pro régime Rushyashya, avait qualifié Mme Sissulu de prostituée dans un article publié en ligne. Cet article a rapidement été effacé mais l’ancien conseiller particulier de Paul Kagame, David Himbara a pu en conserver la capture d’écran[20]. L’Afrique du Sud et Mme Lindiwe avaient protesté contre ces propos, Ils avaient exigé des excuses et avaient demandé au gouvernement rwandais de prendre des mesures à l’encontre du secrétaire d’état rwandais aux affaires étrangères Olivier Nduhungirehe, qui avait également tenu des propos jugés déplacés par la diplomatie sud-africaine[21],[22].

Toujours selon RPF Gakwerere, habituellement très critique à l’égard de Kigali, Richard Sezibera n’avait pas non plus apprécié la tournure que prenait les relations entre le Rwanda et l’Ouganda. Au moment où Sezibera se démenait pour réchauffer les relations Rwando-Ougandaises en étroite contact avec son homologue ougandais, Sam Kahamba Kutesa, les journaux proches de Kigali, eux diffusaient des propos dégradants, voire insultants sur les dirigeants ougandais. En particulier ces journaux s’en prenaient au Président Yoweri Kaguta Museveni et sa famille y compris les parents défunts du président ougandais. D’ailleurs et avant que Sezibera ne soit nommé ministre des affaires étrangères, le Général James Kabarebe en juin 2018 avait mis en garde les Rwandais contre l’Ouganda qui selon lui est « jaloux » du Rwanda. Le Général avait demandé aux rwandais pourquoi ils allaient faire les poubelles (Guhunahuna) en Ouganda[23]. Il est intéressant de noter que 9 mois plus tard, lors de la retraite annuelle des dirigeants rwandais, le Président Kagame lui-même a approuvé ces propos de James Kabarebe, juste au moment où Sezibera semblait expliquer que la fermeture du poste frontalier de Gatuna l’était juste pour question de travaux[24]. Suite à ce désaveu, le ministère des Affaires étrangères à travers son numéro 2 Olivier Nduhungirehe, a indiqué qu’il fallait séparer la question des travaux à la frontière de Gatuna à celle de l’interdiction faite aux Rwandais de se rendre en Ouganda.

Un autre à avoir avancé les possibles déboires de Richard Sezibera est le journaliste Cassien Ntamuhanga, emprisonné avec Kizito Mihigo en 2014. Ce journaliste s’est échappé de prison vers fin 2017. Selon Cassien Ntamuhanga, Richard Sezibera aurait payé la mauvaise gestion du dossier australien. Curieusement, le Rwanda n’a pas d’Ambassade en Australie bien que ce soit un grand pays, qui de plus abrite une forte communauté rwandaise. La juridiction diplomatique rwandaise sur l’Australie est gérée depuis l’ambassade du Rwanda au Singapour. Sezibera aurait échoué à faire annuler le transfert de deux Rwandais détenus aux USA vers l’Australie. Ces deux rebelles rwandais avaient été accusés d’avoir tué des touristes américains en 1999, mais la procédure fut abandonnée lorsqu’une fois extradés du Rwanda vers les USA, les aveux se sont révélés avoir été obtenu sous la torture, l’enquête désignant plutôt les autorités rwandaises comme possibles auteurs des exécutions. Cassien Ntamuhanga avance aussi que Sezibera n’avait pas su gérer les problèmes de zizanie dans la diaspora rwandaise en Australie[25].

Quelques jours après cet article de Cassien Ntamuhanga, les autorités rwandaises se retrouvaient dans le collimateur des médias australiens, en raison de menaces qu’elles exerceraient sur les réfugiés rwandais en Australie sous la coordination de l’ambassade du Rwanda au Singapour qui a aussi la juridiction sur l’Australie[26]. Richard Sezibera est nommément cité dans l’article d’ABC news, l’une des principales chaines d’informations australiennes. Enfin, lors d’un vaste mouvement des ambassadeurs fait par Paul Kagame, le 15 Juillet 2019, l’ambassadeur du Rwanda au Singapour Guillaume Kavaruganda a été limogé sans autre affectation.

L’absence de communication du gouvernement rwandais renforce ces spéculations. D’autant plus que si l’absence de Sezibera était due à un problème médical ordinaire, ça ne serait pas une première fois. En effet, Madame Christine Nyatanyi et Madame Aloysie Inyumba sont décédées en 2011 et 2012 alors qu’elles étaient toujours ministres.

Le faux retour de Sezibera 

Malgré l’annonce dans Jeune Afrique du prochain retour de Sezibera, sa convalescence semble durer davantage, son absence résonnant de plus en plus comme un fait anodin.

Personne ne s’est étonné de ne pas le voir en voyage officiel à Luanda en Angola, le 21 août 2019 où le Rwanda et l’Ouganda ont signé un mémorandum d’entente.

Personne ne s’est non plus étonné de ne pas le voir au sommet du G7 en France à Biarritz où le Rwanda avait été convié par le Président Macron. Nul doute que pour un ministre d’Affaires Etrangères, cet évènement revêt une importance capitale. D’autant plus que le Rwanda ne fait pas partie des invités traditionnels venant des pays en voie de développement que les pays du G7 invitent à leur réunion. Il ne serait pas faux de dire que cette année, le Rwanda pouvait revendiquer cette invitation au G7 comme spécifique au Rwanda, contrairement à l’année 2018 où le Rwanda était invité en tant que pays présidant l’Union Africaine.

Personne ne s’est également étonné de ne pas voir Sezibera au sommet triennal de la TICAD (Tokyo International Conference on African Development) dont la 7èmeédition s’est déroulée à Yokohama du 28 au 30 août 2019.

Et c’est au moment où les habituels observateurs de l’actualité rwandaise commençaient à s’habituer à l’absence de Richard Sezibera, que ce dernier a fait un retour largement commenté sur Twitter le samedi 31 août 2019.

Tout juste avant, dans la nuit du 30 au 31 août 2019, un faux tweet attribué à l’adjoint de Sezibera, Olivier Nduhungirehe et ayant circulé sur WhatsApp annonçait la mort de Richard Sezibera dans un hôpital de Nairobi au Kenya.

Le 31 août 2019, Sezibera twittait: “ #literarySaturday: today I’m remembering Mark Twain: what’s your favourite quote??? 

LIRE  Rwanda : Innovation dans l'enseignement ; l’école de NYANGE dans la projection d’un centre éducatif

Richard Sezibera@rsezibera

: today I’m remembering Mark Twain:
what’s your favourite quote???

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Certains se sont posé des questions sur ce tweet, son sens et la référence à Mark Twain. Mais les connaisseurs de Mark Twain ont vite compris qu’il faisait référence à la lettre que Mark Twain a écrite le 31 mai 1897. Il réagissait sur les rumeurs de sa mort en concluant cette lettre par la célèbre citation « The report of my death was an exaggeration. »20

Depuis lors, les rumeurs concernant son absence ne cessent de s’amplifier. Jean-Paul Turayishimiye parle du retour de Sezibera sur Twitter le 31 août 2019 comme une opération ratée organisée par les services de renseignements rwandais. Ce sont ces derniers qui auraient fabriqué le faux tweet de Nduhungirehe annonçant la mort de Sezibera afin de « piéger » l’opposition rwandaise[27].

Cependant, quel que soit l’identité de la personne derrière ce faux tweet, et ses intentions, pas grand monde ne semble avoir mordu à l’hameçon en relayant cette rumeur.

Au contraire et selon Turayishimiye, certaines personnalités du régime, qui n’étaient pas au courant de la manœuvre avaient commencé des messages de condoléances, de RIP (Rest In Peace).

Du coup, le tweet de Sezibera et sa référence à la littérature de Mark Twain fut un pétard mouillé. D’une part parce que personne n’a cru à cette mort annoncée par le faux tweet attribué à Nduhungirehe. D’autre part parce que peu de personnes ont pu faire un rapprochement entre la rumeur sur un décès et la citation de Mark Twain.

Ce qui est vrai en revanche est que Richard Sezibera n’est pas apparu en public depuis le 12 juillet 2019. Depuis son retour, du moins sur Twitter, Sezibera n’a pas assisté à plusieurs évènements où sa présence en qualité de Ministre des affaires étrangères est pourtant normalement attendue.

Richard Sezibera est incontestablement dans une situation qui l’empêche d’exercer ses fonctions de ministre rwandais des Affaires étrangères.

Le président Paul Kagame a reçu le 9 septembre 2019 les ministres des Affaires étrangères du Soudan du Sud et du Gabon. Richard Sezibera n’y était pas. Y était présent Olivier Nduhungirehe, Secrétaire d’Etat en chargé de l’Afrique de l’Est.

Le 9 septembre 2019, Paul Kagame a reçu Madame Blair et l’ancienne sous-secrétaire d’Etat américaine aux Affaires africaines Jendayi Frazer. Sezibera n’y était pas mais le Secrétaire d’Etat Olivier Nduhungirehe oui.

Docteur Richard Sezibera n’était pas en voyage officielle avec Paul Kagame à Brazzaville le 10 septembre 2019.

Richard Sezibera n’a pas non plus assisté à l’audience que le Président Kagame a accordée au Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU dans la région des Grands Lacs, le 12 septembre 2019 à Kigali, région où Sezibera fut pourtant l’envoyé spécial de Paul Kagame entre 2003 et 2008.

Richard Sezibera n’a pas non plus assisté à la réunion du bureau politique du FPR Inkotanyi à Rusororo le 14 septembre 2019. Cette réunion était dirigée par le président du FPR qui est le président Paul Kagame alors qu’en parallèle de cette réunion Sezibera a twitté.

Enfin, et plus frappant encore, Richard Sezibera n’a pas assisté la réunion ad hoc entre le Rwanda et l’Ouganda le 16 septembre 2019 à Kigali où il devait diriger la délégation rwandaise dans les pourparlers avec la délégation ougandaise dirigée elle par Sam Kutesa, le Ministre des Affaires étrangères ougandais

Conclusion 

L’opacité qui entoure la santé des dirigeants n’est pas un fait propre au Rwanda. La France a connu le cas Pompidou. Pour la petite anecdote, le jour de son décès, le 2 avril 1974, il devait recevoir en tête à tête le président du Rwanda de l’époque, Juvénal Habyarimana[28]. L’ambassadeur du Rwanda à Paris à l’époque, Canisius Karake, fut remplacé car il n’avait pas anticipé cette situation.

La France a connu les bulletins rassurant sur la santé du Président Mitterrand qui étaient loin de la réalité visible. Plus récemment, le cas du président tunisien Caid Essebsi.

A la différence de ces pays, le Rwanda ajoute une particularité. L’omerta sur ces cas est imposée aux contre-pouvoirs comme la presse.

Il est étonnant qu’aucune communication officielle n’ait été faite sur la situation de Sezibera. Cela aurait pu permettre d’éviter les rumeurs et autres spéculations ou limiter leur portée. La position officielle n’aurait pas eu l’objet d’exposer la vie privée et le secret médical auquel Richard Sezibera a droit mais simplement une communication sur son indisponibilité. Ceci aurait permis d’éviter au gouvernement un procès au sujet de ce manque de transparence.

Une communication officielle aurait soulagé la famille de Sezibera et l’aurait libérée d’une omerta qu’elle est obligée de subir pour gérer cette situation.

Le gouvernement et les pouvoirs étatiques sont exercés par des personnes humaines qui peuvent comme tout humain avoir des problèmes de santé. D’ailleurs, la constitution rwandaise prévoit comment peut être organisé la vacance du pouvoir à la tête de l’état y compris en cas de maladie.

Il est légitime que l’opinion publique se pose des questions lorsqu’une personnalité comme Sezibera disparait de l’espace publique. Il est du devoir de l’Exécutif d’apporter les réponses sur ce type de situations.

Un petit bémol sur la presse rwandaise, celle à l’intérieur du Rwanda qui depuis deux mois n’a jamais osé évoquer ce sujet. Y compris lorsqu’un journal comme Jeune Afrique a sorti un article dessus. Pas une seule reprise ou citation de cet article de Jeune Afrique, alors que d’ordinaire la presse s’empare des articles de ce journal dès qu’ils traitent du Rwanda.

L’absence physique de Sezibera reste un sujet que le gouvernement rwandais ne pourra pas longtemps occulter. Plus le gouvernement tardera à communiquer, plus il sera pris dans l’engrenage. Toute explication même simple qui sera donnée tardivement aura du mal à convaincre.

Ceux qui connaissent le Rwanda ont du mal à décrypter cette situation inédite. Si Sezibera a un empêchement valable et légitime, pourquoi, le gouvernement ne communique pas au moins pour dire officiellement aux Rwandais et aux partenaires que Sezibera est temporairement indisponible. Pourquoi ses collègues, les media rwandais sont fébriles quant à l’évocation de Sezibera et son devenir ?

Dans des sociétés modernes ou des entreprises, l’absence d’un collaborateur fait objet d’une communication et des mesures sont prises pour réorganiser et limiter l’impact sur le travail. Il est étonnant que le Rwanda que certains qualifient de Rwanda Inc dont Kagame est le PDG ne fasse rien et que l’absence prolongée d’un ministre soit traitée comme un non-évènement.

Ceci éviterait de commettre des impairs diplomatiques comme ce fut le cas à Kigali le 16 septembre 2019 lors de la réunion ad hoc entre le Rwanda et l’Ouganda. La délégation ougandaise était dirigée par le ministre des Affaires étrangères Sam Kutesa, tandis que celle du Rwanda était dirigée par le secrétaire d’état Olivier Nduhungirehe.

C’est encore étonnant qu’un secrétaire d’état ayant le dernier rang protocolaire au sein du gouvernement rwandais, puisse diriger une délégation comprenant des ministres régaliens comme Johnson Busingye (Justice) ou encore Professeur Anastase Shyaka (Intérieur). A moins que le Rwanda ait voulu envoyer un message à l’Ouganda concernant l’importance accordée à cette réunion et à la délégation ougandaise.

Pour dissiper toutes les rumeurs, spéculations, opacités ou omerta, le gouvernement du Rwanda devrait communiquer sur le sort de Richard Sezibera. La crédibilité du gouvernement et la confiance qu’il est en droit d’attendre des Rwandais en valent la chandelle. Il est légitime que tant que le gouvernement ne s’exprime pas, les citoyens continuent d’exiger les informations sur Sezibera car la transparence doit être la base d’un exercice supposé être démocratique où le Rwanda a encore de sérieuses lacunes. « L’homme peut croire à l’impossible, il ne peut jamais croire à l’improbable ». (Oscar Wilde dans le déclin du mensonge, Intentions 1891)

Nyangoga Oscar


[1]https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/11/06/victime-d-un-avc-ali-bongo-demeure-hospitalise-en-arabie-saoudite_5379712_3212.html

[2]http://www.angola.or.jp/wp-content/uploads/2019/07/2019_07_16_1PDF-FN.pdf

[3]https://www.newtimes.co.rw/section/read/87864

[4]http://theprofile.rw/spip.php?article201

[5]http://www.aparchive.com/metadata/youtube/37eda8cbfef0106585037ef7f2c159cd

[6]https://www.jambonews.net/actualites/20181024-nyakimana-apres-kibeho-un-autre-srebrenica-au-rwanda/

[7]https://georgewbush-whitehouse.archives.gov/news/releases/2003/03/images/20030304-14_p27360-12a-515h.html

[8]https://reliefweb.int/report/democratic-republic-congo/grand-lacs-les-rebelles-hutus-rwandais-ont-jusquau-30-septembre

[9]https://allafrica.com/stories/201607140142.html

[10]https://www.newtimes.co.rw/section/read/205910

[11]http://www.ua.ac.be/objs/00111076.pdf

[12]http://www.ua.ac.be/objs/00111076.pdf

[13]https://www.jambonews.net/actualites/20190630-belgique-les-activites-obscures-de-lambassade-du-rwanda-a-bruxelles/

[14]https://www.youtube.com/watch?v=sjIufz6Dro0

[15]https://www.youtube.com/watch?v=PKxOsASPCZQ

[16]https://command1post.com/index.php/2019/08/07/rwandan-foreign-minister-dr-richard-sezibera-admitted-in-critical-conditions-after-poisoning/#prettyPhoto

[17]https://www.jeuneafrique.com/815468/politique/rwanda-labsence-prolongee-du-ministre-des-affaires-etrangeres-richard-sezibera-alimente-les-fausses-rumeurs/

[18]https://command1post.com/index.php/2019/08/07/rwandan-foreign-minister-dr-richard-sezibera-admitted-in-critical-conditions-after-poisoning/#prettyPhoto

[19]https://rpfgakwerere.org/2019/08/06/dr-richard-sezibera-on-death-bed-in-nairobi-after-being-poisoned-by-dmi-at-the-orders-of-criminal-paul-kagame/

[20]https://medium.com/@david.himbara_27884/kagames-propaganda-machine-viciously-attacked-south-africa-uganda-and-burundi-941e703b4337

[21]https://www.bbc.co.uk/news/world-africa-46510282

[22]https://www.iol.co.za/news/africa/outrage-as-rwanda-takes-no-action-over-ministers-insults-levied-at-sisulu-18506996

[23]https://chimpreports.com/gen-kabarebe-to-rwandans-why-are-you-scavenging-in-uganda/

[24]https://www.youtube.com/watch?v=t2vSLlECUAk

[25]https://www.abaryankuna.com/iperereza-dr-richad-sezibera-yaba-arazira-iki/

[26]https://www.abc.net.au/news/2019-08-25/spies-in-our-suburbs-alleged-spy-web-silencing-rwandan-refugees/11317704?pfmredir=sm

[27]https://www.youtube.com/watch?v=FAcjRxSPV1Q

[28]https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/rechercheconsultation/consultation/ir/pdfIR.action?irId=FRAN_IR_005069