Témoignage de l’ancien chargé de sécurité de Zebiya: “J’ai refusé les propositions des renseignements rwandais”

 

Jimmy Nemeyimana, ancien militaire de la FDN au 22ème Bataillon Blindé de Gitega et chargé pendant longtemps de la sécurité de la “prophétesse” Zebiya a livré à la presse ce samedi 14 avril son témoignage sur le périple de ses coreligionnaires de Kamanyola en RDC vers le Rwanda, avant de retourner contre toute attente au Burundi natal.

Jimmy Nemeyimana, qui était responsable de la sécurité de Zebiya

« Comme ancien militaires ayant servi dans les bataillons spécialisés dans l’artillerie, j’ai été approché par les renseignements du Rwanda pour que je persuade mes compatriotes adeptes de Zebiya à Kamanyola à rejoindre le Rwanda ». Et pour cause : « Ils voulaient récupérer les jeunes parmi nous pour une formation militaire dans la forêt de Nyungwe ». Et Jimmy Nemeyimana de poursuivre: «  On me faisait miroiter que je serai directement enrôlé sous le grade commandant, comme j’aurai réussi à mobiliser un bataillon de recrues ».

A ses dires, l’ancien militaire jouissait d’une attention particulière : « Au Congo, j’étais bien traité. Je ne participais pas aux travaux dans les champs des Congolais. Je ne me suis jamais livré à creuser des latrines pour les Congolais comme la plupart de mes coreligionnaires. Je recevais 5.000 Francs par jour, somme assez suffisante pour que je me la coule douce.»

Après que l’Agence Nationale de Renseignement du Congo eut tiré sur 39 des adeptes de Zebiya, les contacts avec les renseignements rwandais se sont multipliés, selon cet ancien militaire burundais, accélérant la délocalisation de ces Burundais exilés à Kamanyola. « Ils nous ont informé que dans deux jours, deux bataillons de l’armée burundaise avec des Maï-Maï et des Imbonerakure allaient nous attaquer. Nous avons averti la MONUSCO trente minutes avant notre départ et nous nous sommes dirigés vers le Rwanda ».

Les jeunes filles et garçons séparés du reste pour une formation militaire

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Comme indique M. Nemeyimana, « une fois au Rwanda, avec la complicité du HCR, les jeunes filles et garçons furent séparés du reste. J’ai bien gardé contact avec les renseignements rwandais qui me donnaient un traitement de faveur  au niveau de la ration alimentaire et des boissons. Mais chaque fois, ils revenaient sur son leitmotiv d’embarquer les jeunes parmi nous pour la formation militaire ». Et de lâcher: « J’ai essayé de savoir qui sont les instructeurs burundais. On ne me montrait sur Whatsapp que des photos de Godefroid Niyombare, bien encadré par une escorte de militaires rwandais ».

Poursuivant son témoignage, ce natif de Businde indique: « Les renseignements rwandais me disaient qu’il y avait déjà 1.500 jeunes déjà formés et que ce sont ceux-là qui seront en première ligne lors de l’attaque sur le Burundi, appuyés par l’armée rwandaise en seconde ligne ».

Les quelques 1.600 adeptes de Zebiya qui rentrent au après près de 5 ans d’exil passés à en , puis quelques semaine au , disent “préférer rentrer au pays plutôt que d’accepter l’enregistrement biométrique qui leur est imposé” comme réfugiés

Des confidences qui lui auraient mis la puce à l’oreille: « Allais-je servir dans une rébellion de Burundais ou j’allais devenir une marionnette de l’armée rwandaise, les Rwandais me répétant d’ailleurs qu’il y a 40 généraux travaillant pour le compte du Rwanda dans l’armée de la RDC ? ».

Sa décision aurait été irrévocable: « Je n’ai pas voulu que mon pays soit sous la domination du Rwanda qui, selon les agents du renseignement rwandais, allait aider le pouvoir qu’il aura installé à Bujumbura à organiser le Burundi et à le faire décoller ». C’est ainsi qu’il passa à la vitesse supérieure en prenant ses responsabilités: « Pour créer des prétextes de nature à décider le gouvernement rwandais à nous refouler, j’ai décidé de glisser aux compatriotes de refuser la vaccination des enfants et de refuser des repas et de la bouillie. J’ai demandé à tout le monde de se préparer au contraire à rentrer. Heureusement, ils ont obéi à mes instructions. C’est ainsi que nous sommes rentrés au Burundi ».

“Zebiya est mariée, et elle vit en Australie”

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Jimmy Nemeyimana renseigne par ailleurs que « depuis 2016, ses coreligionnaires ne reçoivent plus les messages de la “prophétesse” Zebiya qui, en 2016 a convolé en justes noces avec un jeune étudiant de 5ème année à la faculté de médecine de l’Université du Burundi. Elle est mère et vit actuellement en Australie après un bref séjour au Canada via l’Ouganda. Quand elle était encore en Ouganda, elle envoyait ses messages par le canal d’une certaine Gertrude. Celle-ci succomba dans le massacre des 39 des nôtres. Et dès lors, plus aucun message de la part de Zebiya ».

Il se garde à dire s’il a renoncé à la prophétie de Zebiya « tant que la commission ad hoc de l’Eglise catholique ne s’est pas encore prononcée si les prophéties de Zebiya sont fausses ou pas ».
Pour ce qui est des relations avec le pouvoir, il souligner : « Avant de quitter le Rwanda, j’ai donné le mot d’ordre que nous devrons respecter la loi nationale et les administratifs. Jusqu’à présent la consigné est respectée ». Mais aussitôt de déplorer que « certaines gens à l’intérieur du pays, notamment à Businde enlèvent le voile ou le madras sur la tête des adeptes de Zebiya ».

Jimmy Nemeyimana regrette que certains adeptes se soient séparées de leurs conjoints ou de leurs enfants pour suivre la “prophétesse” Zebiya. Mais aussitôt de nuancer : « S’il y a ceux de nous qui les appliquent mal, cela ne veut pas dire que les enseignements de Zebiya sont faux ». Il déplore aussi qu’à un certain moment, la police et les adeptes de Zebiya aient pu en venir aux mains: « C’était comme une opération suicide. Nous n’avions pas de litige avec le pouvoir qui est notre père. Mais sous l’impulsion de l’Eglise catholique, qui est notre mère, la police a tiré sur nous, nous amenant à désarmer deux policiers. Nous n’avons pris leurs armes et je les ai jetées moi-même dans une parcelle. Nous avons pris pour la plupart le chemin de l’exil ».